Les dangers et l’inexorable déclin du nucléaire face aux énergies renouvelables

«Le temps viendra où nos descendants s’étonneront que nous ayons ignoré des choses si évidentes»

En novembre 2016, le gouvernement vietnamien a eu la sagesse d’abandonner le programme nucléaire. J’ai été très heureux d’apprendre la bonne nouvelle, après avoir pendant une quinzaine d’années mené le combat contre cette dangereuse aventure, comme en témoignent les 70 articles et interviews de la BBC de Londres, RFI de Washington et RFI de Paris (nguyenkhacnhan.blogspot.fr).

Mais ma joie fut de courte durée, car au lieu d’investir massivement dans les énergies renouvelables, le Viet Nam a depuis accéléré la construction de plusieurs centrales au charbon.

Tout récemment, sous la pression des lobbies, des voix s’élèvent dans le pays, réclamant la relance du nucléaire ! Cela m’inquiète énormément.

Cet exposé a donc pour objectif avoué d’apporter un éclairage nouveau sur le déclin du nucléaire, sur la très grande responsabilité des centrales au charbon dans le changement climatique et sur la montée en puissance des énergies renouvelables dans le monde.

1- Le nucléaire dans le monde :

Les principaux pays ayant une puissance nucléaire installée importante sont: Etats -Unis, France, Chine, Russie, Corée du Sud, Canada, Ukraine, Allemagne, Royaume-Uni. Cinq de ces pays produisent 70% de l’électricité nucléaire. Les Etats -Unis et la France concentrent 50% de la production.

Au début de 2019, le parc nucléaire civil mondial comptait 450 réacteurs nucléaires, répartis dans 31 pays avec une puissance totale installée de 397 GW.

La part de l’énergie nucléaire dans la production mondiale d’électricité se situe actuellement autour de 11%.

Les énergies fossiles représentaient les deux tiers de celle-ci : charbon 41%, gaz 22%, pétrole 5% et les énergies bas-carbone (nucléaire, hydraulique, solaire, éolien …) 32 %.

Etats-Unis :

Ce pays dispose actuellement du plus grand parc nucléaire de la planète, avec 97 réacteurs en activité, répartis dans 58 centrales, avec une puissance totale de 98,4 GW. En 2018, le nucléaire représentait 19,3% de la production électrique des Etats -Unis.

– France:

En 2018, la production totale d’électricité en France avoisinait 550 TWh dont voici la répartition : nucléaire (71,7%), hydraulique (12, 5%), gaz (5,7%),  éolien (5,1%), solaire (1,9%), bioénergies (1,8%), charbon (1,1%), fioul (0,4 %). C’est le pourcentage d’électricité nucléaire le plus élevé au monde. Le parc nucléaire est composé de 58 réacteurs PWR (Pressurized  Water Reactor).

Au cours de cette même année, la France a exporté 86,3 TWh et importé 26,1 TWh et la consommation totale d’électricité du pays s’est élevée à 478 TWh.

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 2- Les réacteurs de 3e génération :

Le fiasco de l’EPR (Evolutionary Power Reactor) de Flamanville:

Conçu dans les années 90, ce réacteur de 3e génération (1650 MW), un vrai cauchemar pour EDF,  signale le déclin du modèle nucléaire français.

En effet, des centaines de modifications ont dû être apportées en cours de réalisation de ce chantier, qui a démarré  en 2007, pour une mise en service programmée en 2012.

Dès le début, le traitement du bétonnage (radier, paroi du bâtiment, piscine du combustible) laisse à désirer. En 2009, les Autorités de Sûreté Nucléaire (ASN) française, finlandaise et britannique ont exigé une modification du système contrôle – commande. Fin 2011, EDF a été obligée de faire fabriquer à nouveau l’ensemble des consoles du pont polaire (pont de manutention sous le dôme du bâtiment réacteur).

Puis vient le scandale des aciers et des calottes de la cuve de 425 tonnes. En 2007, EDF a eu connaissance des valeurs trop élevées de la concentration en carbone des aciers du couvercle et du fond de la cuve (qui peut aggraver le risque de rupture brutale). Malgré le non-respect des exigences de qualifications techniques de Creusot Forge, EDF, pratiquant la politique du fait accompli, installe la cuve en 2014. Suite à une demande dérogatoire d’EDF, l’ASN a donné le feu vert pour la mise en service de la cuve de l’EPR de Flamanville, sous réserve de la mise en place d’un programme de contrôle du vieillissement thermique. Mais la faisabilité de celui – ci est loin d’être acquise. Autre fait grave : EDF a installé des tuyauteries d’évacuation de la vapeur vers la turbine avec des dizaines de soudure défectueuses non conformes.

A ce jour, la plupart de ces soudures sont réparées, sauf pour huit d’entre elles, difficilement accessibles. Tout récemment, l’ASN a demandé à EDF de procéder à des réparations sans plus attendre.

Le chantier calamiteux de l’EPR de Flamanville, avec une réaction en chaîne de malfaçons, représente ainsi une vraie catastrophe tant sur le plan  humain, financier que technologique. On déplore quelques tués et de nombreux blessés parmi les centaines d’ouvriers étrangers. La facture a explosé en vol. Le coût annoncé au départ de 3,3 milliards d’euros atteint maintenant 11 milliards. Et ce chiffre sera bientôt largement dépassé !

Encore un nouveau retard: EDF vient d’annoncer que la mise en service de ce prototype de 3e génération, censé devenir le fleuron de l’industrie nucléaire française, n’aura pas lieu avant fin 2022 (soit 10 ans de retard).

Le chantier de Flamanville a été lancé alors que le design n’était pas gelé. On a fait et défait énormément. Il s’agit d’ une erreur stratégique majeure.

La raison des retards et des surcoûts est dûe, en partie seulement, à la perte de savoir – faire de la filière française. C’est surtout le coût de la sûreté, après Tchernobyl et Fukushima, qui a pesé lourd dans l’addition. L’EPR a un dispositif spécial en cas de fusion du coeur et une paroi externe pour encaisser le choc du crash d’un avion.

Le naufrage de Flamanville est prévisible depuis quelques années. Et, rien ne dit que les réparations sur les huit soudures seront réellement possibles sans affaiblir la sûreté globale.

Selon une étude récente de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), le développement de la filière EPR ne serait pas compétitif si l’on prend comme hypothèse le coût  de 70 euros/MWh estimé par EDF pour un EPR en série. Et l’optimum économique du système électrique français serait assuré en 2050 avec une électricité à 85 % renouvelable. Pour compenser la baisse du nucléaire, l’Ademe  parie sur une flexibilité des moyens de production (effacements, power to gaz, batteries).

Selon la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie), la France va réduire la part du nucléaire de 72% à 50% en 2035 (initialement prévu pour 2025). Pour atteindre cet objectif, le gouvernement envisage de fermer 14 réacteurs PWR de 900 MW, en commençant par la centrale de Fessenheim en 2020.

On peut se demander pourquoi le gouvernement français continue de soutenir une filière nucléaire en déclin ?

 –  Les 2 EPR chinois :

En décembre 2018, EDF et son partenaire chinois, China General Nuclear Power Group (CGN), ont annoncé la mise en service commerciale de l’EPR Taishan 1. C’est le 1er EPR  en fonctionnement au monde, bien que le chantier ait commencé en 2009 (avec 5 ans de retard sur le planning), soit 2 ans après celui de Flamanville. Le 2e EPR de Taishan est entré en exploitation commerciale en septembre 2019.

– L’EPR finlandais :

En 2005, le 1er chantier de l’EPR est ouvert à Olkiluoto en Finlande, avec Areva et Siemens pour maîtres d’oeuvre. Comme en France, le raccordement au réseau subit un retard  considérable – au moins 10 ans – en raison des problèmes technologiques, contretemps et dérapages budgétaires. Le coût final a aussi explosé.

– Les 2 EPR anglais :

Après un important dérapage des coûts et des retards incessants, EDF a signé à Londres, le 29 septembre 2016, les contrats de construction, avec son partenaire chinois CGN, des 2 réacteurs EPR à Hinkley Point, dans l’Ouest de l’Angleterre. Comme les centrales nucléaires en fonctionnement seront fermées entre 2023 et 2030, le gouvernement britannique veut maintenir la part du nucléaire à 20% dans le bilan électrique.

L’investissement total prévu est de 22,7 milliards d’euros (EDF vient d’annoncer un surcoût de 3,3 milliards). La mise en service du 1er EPR est programmée pour fin 2025, avec un retard probable de 15 mois. EDF et CGN doivent financer le surcoût de retard ou de dépassement. 

Projet en Inde :

EDF a signé avec son homologue indien un accord, qui n’est pas encore finalisé, sur un énorme projet de 6 EPR  à Jaitapur.

L’ AP1000 :

Le réacteur AP1000 de la compagnie américaine Westinghouse Electric Corporation. est un réacteur à eau pressurisée de 3e génération. Il a été conçu pour résister à une perte de refroidissement du cœur ou de la piscine de désactivation, que ce soit par défaut d’alimentation électrique ou par rupture de tuyauteries.

Le premier AP1000 connecté au réseau, en juin 2018, est celui de Sanmen 1 en Chine. Les 2 autres réacteurs, Sanmen 2 et Haiyang 1, ont été mis en service en août 2018.

En 2013, les Etats-Unis ont démarré la construction de trois AP1000 (1 à Vogtle et 2 à Virgil Summer).

 – L’Atméa 1:

Le réacteur de 3e génération Atméa 1 de 1100 MW, développé conjointement par Areva et Mitsubishi Heavy Industries (MHI), n’est pas encore en construction. Théoriquement, ce réacteur offre le même niveau de sûreté que l’EPR (beaucoup plus puissant)

Les 2 pays les plus intéressés par l’Atméa 1 sont La Turquie et la Jordanie.

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3 – Les nouveaux réacteurs – Recherche et Développement: 

La nouvelle centrale nucléaire flottante russe:

Cette première centrale flottante va fournir l’électricité à une région isolée de la Sibérie orientale. L’Akadémik Lomonossov, est arrivée au port de Pevek, après avoir quitté Mourmansk, où il a été chargé en combustible nucléaire le 23 aout 2019. Ses 2 réacteurs KLT- 4OS de 35 MW,  sont similaires à ceux utilisés pour les brises glace. Mais à la différence de ceux-ci, qui utilisent de l’uranium hautement enrichi, les KLT- 4OS fonctionneront à l’uranium faiblement enrichi. Bloc de 21.000 tonnes, la centrale, de 144 mètres de long et 30 mètres de large, est remorquée par plusieurs navires sur 5000 km jusqu’à la péninsule de Tchoukotka, au-delà du cercle polaire arctique. Elle ne sera pas opérationnelle avant avril 2020. Les associations environnementales mettent en garde contre les dangers d’un Tchernobyl sur glace ou d’un Titanic nucléaire. Rosatom envisage de construire d’autres SMR flottants de plus forte puissance mais d’encombrement réduit.

Les Small Modular Reactors (SMR) :

Dans le monde, certains pays industrialisés s’orientent depuis des années vers la recherche et le développement des réacteurs à neutrons rapides de 4e génération qui présentent un triple intérêt :

1- permettre de consommer le plutonium produit par le parc actuel des réacteurs à eau légère.

2- brûler tout type d’uranium, l’uranium appauvri et celui issu du retraitement du combustible usé des centrales actuelles.

3- transmuter certains actinides mineurs, principaux contributeurs de l’émission de chaleur et de la radio-toxicité résiduelle des déchets ultimes sur le très long terme.

Les SMR sont des réacteurs nucléaires de faible puissance, de quelques dizaines à quelques centaines de MW. Ils regroupent les réacteurs à eau pressurisée, les réacteurs à neutrons rapides et les réacteurs fonctionnant au thorium.

Un des avantages réside dans une perte de capacité brutale moins importante en cas d’incident imprévu. Leur flexibilité est meilleure, mais cependant limitée. La faible puissance permettrait de réduire les risques de fusion du coeur. Mais en multipliant les installations, on multiplie les sites susceptibles de subir un accident.

Les Etats-Unis, la Russie, le Canada, la Belgique  investissent dans les SMR à neutrons rapides. La dispersion des installations pose un problème de sécurité et de prolifération, compte tenu des quantités importantes de plutonium.

Dans le contexte actuel, le déploiement à grande échelle et l’exportation de ces SMR dans les pays en développement ne pourront pas avoir lieu dans un avenir proche.

(N’oublions pas que le réacteur surrégénérateur Superphénix-neutrons rapides à caloporteur sodium-qui a coûté presque 10 milliards d’euros à la France, a été arrêté définitivement en 1997).                                                                                                                                                                                                                                                                                            Le  réacteur  Astrid de 4e génération :

La France vient d’abandonner le projet de réacteur à neutrons rapides Astrid  (Advanced Sodium Tecnological Reactor for Industrial Demonstration).

Astrid, est un projet de prototype de réacteur rapide refroidi au sodium, qui devait être construit sur le site nucléaire de Marcoule, dans le Gard. L’objectif de cette 4e génération est d’utiliser l’uranium appauvri et le plutonium comme combustibles, autrement dit de réutiliser les matières radioactives du parc nucléaire actuel et en grande partie stockées sur le site de La Hague. Astrid était censé, non seulement  transformer en combustible des matières aujourd’hui inutilisées, mais aussi réduire de manière importante la quantité de déchets nucléaires. Il y a, dans ce projet, un concept de fermeture complète du cycle nucléaire, de réutilisation des matières. Son abandon est dû à un coût élevé – estimé entre 5 et 10 milliards d’euros – dans un contexte de prix de l’uranium relativement bas, ainsi qu’à une absence d’appui gouvernemental.

La France veut cependant rester dans la course. EDF, CEA, Naval Groupe et Technicatome viennent d’annoncer leur ambition de développer pour l’horizon 2030, en collaboration avec Westinghouse, des petits réacteurs modulaires de 300 à 400 MW baptisés Nuward. La fabrication en série se fera en usine.

La  Russie est en avance sur cette technologie de multirecyclage du combustible nucléaire et de gestion du plutonium. Trois réacteurs sont en exploitation dont deux de 600 MW et 800 MW en fonctionnement depuis 2016. La Chine a annoncé la construction, en décembre 2017, d’un démonstrateur de 600 MW à Xiapu dans la province de Fujian. Le CNNC (Compagnie Nucléaire Nationale Chinoise) et l’américain TerraPower avaient l’intention de commercialiser une technologie baptisée TWR (réacteur à onde progressive).

– Le «NRIC» américain :

Le département américain de l’Énergie (DOE) a annoncé le 15 août 2019, le lancement d’un centre pour favoriser le développement des réacteurs nucléaires avancés. Le nouveau centre  «NRIC» (National Reactor Innovation Center) va  favoriser l’émergence dans les 5 prochaines années  de nouveaux concepts de SMR  et de micro-réacteurs. Les États-Unis voudraient devenir  le leader mondial dans le domaine des réacteurs avancés.

– Explosion d’un missile à propulsion nucléaire en Russie :

Le 8 août 2019, sur la base de lancement de missiles de Nyonoska dans le Grand Nord russe, la radioactivité avait dépassé au moins 16 fois le niveau habituel, à la suite de l’explosion qui a causé la mort de 5 ingénieurs  de l’agence Rosatom. On a trouvé des isotopes radioactifs de strontium 91, de baryum 139 dans les échantillons enregistrés dans la ville de Severodvinsk, située près de la base où a eu lieu l’accident. Ces isotopes sont les produits d’une réaction en chaîne issue d’une fission nucléaire.  Propulser un missile avec de l’énergie nucléaire permet en théorie de se libérer de la contrainte de la quantité de carburants. Mais les défis techniques sont énormes: il faut d’abord parvenir à miniaturiser un réacteur nucléaire et l’embarquer à bord d’un missile. Le maniement et la sûreté nucléaire sont des contraintes redoutables.

Energie de fusion:

Il y a encore des gens qui croient au miracle de l’énergie de fusion. Le réacteur expérimental ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) à Cadarache accapare plus de 60 % du budget européen de recherche sur l’énergie. Il accumule depuis 2001, les retards et les dépassements budgétaires importants.  De nombreux physiciens y voient un échec annoncé.

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4- Démantèlement des centrales nucléaires :

Le démantèlement d’une installation nucléaire génère la production de grandes quantités de déchets conventionnels et radioactifs. En France, c’est un énorme volume de 2.300.000 m3 attendu, toutes catégories confondues. Il n’existe pas encore de filière industrielle structurée de démantèlement.

D’après la loi du 17 août 2015, lorsqu’une centrale nucléaire est arrêtée définitivement, EDF doit procéder à son démantèlement dans un délai aussi court que possible. En réalité, c’est techniquement impossible de respecter cette loi. D’abord il y a un délai de 5 à 7 ans entre l’arrêt définitif et le démantèlement. Les chantiers de Brennilis (arrêt en 1985) et Superphénix (arrêt en 1997)  sont loin d’être terminés.

 EDF a dû reporter, à l’an 2100, paraît-il pour des raisons de changement d’option technologique, la déconstruction des réacteurs de la filière graphite gaz de St Laurent des Eaux. L’entreprise doit financer le démantèlement. Sur les 75 milliards d’euros du coût largement sous – estimé du démantèlement, seuls 35 milliards sont provisionnés. C’est très insuffisant, si l’on compare avec les provisions d’autres pays. Celles des allemands par exemple sont 2,4 fois supérieures.

En juin 2018, EDF et Véolia ont signé un accord  portant sur le démantèlement des centrales nucléaires. Les 2 entreprises misent sur l’arrêt d’ici à 2035-2040 de 300 des 450 réacteurs, actuellement en fonctionnement dans le monde. Le montant estimé du marché mondial au cours des prochaines années s’élève à plus de 200 milliards d’euros. Le coût de démantèlement par réacteur PWR varie du simple au double : de 500 millions d’euros en France à 1 milliard d’euros en Allemagne.

Les déchets nucléaires et le démantèlement posent vraiment des problèmes insolubles. Les défis technologiques sont immenses. En raison de la forte radioactivité, les interventions, avec l’aide des robots spéciaux télécommandés, sont pratiquement chirurgicales. Les opérations de déconstruction exigent souvent un temps beaucoup plus long que la durée de fonctionnement du réacteur. C’est une aventure hors contrôle. On peut reprocher aux industriels leur imprévoyance. En effet, ils ne se sont pas souciés ni des décennies qu’exigerait le démantèlement de ces centrales ni des millénaires de radioactivité de leurs déchets.

A Fukushima, Tepco (Tokyo Electric Power Company) vient de faire savoir  qu’il n’y aura plus d’espace nécessaire dans trois ans pour stocker les quantités astronomiques d’eau contaminée. A la suite de la catastrophe, de l’eau radioactive a fui d’un réacteur endommagé et s’est mélangée à l’eau des nappes phréatiques. L’eau est traitée, mais elle reste encore radioactive. Plus d’un million de tonnes d’eau sont déjà stockés dans un millier de réservoirs. Tepco envisage de déverser cette eau dans l’océan !

Mais une fois que l’eau contaminée et le tritium seront dans l’océan, ils suivront les courants marins et se retrouveront partout, y compris dans la mer à l’est de la Corée. 

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5 – Déchets nucléaires :

La France et la Russie sont les rares pays qui ont adopté le cycle fermé, c’est à dire le retraitement et le recyclage du combustible nucléaire usé.

Le Royaume-Uni avec l’usine de retraitement de Sellafield et le Japon avec celle de Rokkasho-Mura, connaissent de sérieuses difficultés. Depuis des années, la Chine a négocié avec Orano (ex Areva) l’équipement d’une usine de retraitement semblable à celle de la Hague. Aux dernières nouvelles, les négociations commerciales sont quasiment bouclées.

Par crainte de prolifération du plutonium, les Etats-Unis entreposent leur combustible usé sans traitement spécial. Le retraitement augmente les risques avec le transport de combustible et les déchets supplémentaires générés.

Chaque année 1200 tonnes de combustibles usés, déchargés des 58 réacteurs d’EDF (répartis dans 19 centrales nucléaires), sont acheminées vers la Hague :  

– 1% de plutonium repart vers l’usine Mélox de Marcoule pour la fabrication du combustible MOX qui sera chargé dans 22 des réacteurs d’EDF.

– 4% des déchets ultimes (produits de fission et actinides de haute activité et à vie longue) sont vitrifiés et stockés sur place. Ils seront entreposés plus tard au fond  d’un Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) à Bure dans la Meuse.

Théoriquement, le retraitement permet d’économiser 10% de ressource d’uranium naturel, grâce à la valorisation du plutonium et 25% avec la reprise de la valorisation de l’uranium.

Voici quelques chiffres concernant Cigéo à Bure : 85.000 m³ de déchets de haute activité ou à vie longue (des centaines de milliers d’années) – 300 km de longueur de galeries où seront installés 240.000 colis de déchets radioactifs. L’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) a annoncé un coût sous-estimé de  35 milliards d’euros.

Selon l’ONG américaine Union of Concerned Scientists, au final, le retraitement augmente le volume total des déchets.

Le stock de 54 tonnes de plutonium, issu du retraitement, conservé à la Hague, pose un grave problème de sécurité (terrorisme, forte radiotoxicité). D’autre part, les piscines d’entreposage de la Hague, seront complètement pleines en 2030 (93% aujourd’hui).

Concernant la rentabilité économique, certains experts reconnaissent que le coût complet du recyclage est pratiquement équivalent à celui du non-recyclage.

Selon le physicien Bernard Laponche, le stockage des déchets radioactifs dans la croûte terrestre constitue un risque inacceptable pour les générations futures. C’est la pire des solutions, car elle est périlleuse et irréversible. Il y a des risques d’incendie, de séisme, d’infiltration d’eau ou d’explosions liés à la production d’hydrogène, sans oublier les problèmes de sécurité du site.

D’après la loi du 25 juillet 2016, le stockage sera réversible. En réalité, il serait pratiquement impossible de revenir en arrière, de changer de stratégie de gestion des déchets, après la fermeture de l’installation. C’est donc un choix imposé aux générations futures. Enterrer les déchets en profondeur, c’est empoisonner un territoire pour des milliers d’années.

Derrière le nucléaire civil, il y a le nucléaire militaire.  C’est le même procédé technologique qui permet d’enrichir l’uranium pour en faire des  combustibles ou des bombes atomiques.

Actuellement, il n’y a pas de solution satisfaisante pour la gestion des déchets.  La moins mauvaise semble être l’entreposage à sec près de la surface comme aux Etats-Unis et en Allemagne. Toujours selon Bernard Laponche, on donne ainsi une marge de manœuvre à la recherche pour  trouver des solutions et aux générations futures de faire des choix.

Le site de stockage des déchets de très faible activité – faible activité (TFA-FA) à vie courte d’un niveau de dangerosité relativement faible à Morvilliers dans l’Aube ne suscite pas d’opposition virulente comme à Bure qui a connu de nombreuses manifestations depuis longtemps. La répression policière et judiciaire n’entame pas la détermination des militants, toujours farouchement opposés à cette poubelle nucléaire.

Entre 1946 et 1993, 14 pays ont procédé à des immersions de déchets radioactifs dans plus de 80 sites situés dans les océans Pacifique, Atlantique et Arctique. Heureusement en 1993, un accord international est trouvé, interdisant cette pratique dangereuse.

Déchets nucléaires et industrie pétrolière aux Etats-Unis:

La proposition d’entreposer des déchets hautement radioactifs en plein cœur du bassin pétrolier américain contrarie fortement les industriels. La région, avec une superficie de 220.000 km2, située à l’ouest du Texas et au Nouveau-Mexique, produit  plus de 4,2 millions de barils de pétrole chaque jour, soit presque autant que l’Irak. Ici, l’activité de forage intense, utilisant la technique de fracturation hydraulique, provoque souvent des séismes. Malgré ce risque, l’autorité de régulation du nucléaire aux Etats-Unis (NRC),  s’intéresse à un projet d’entreposage de 210.000 tonnes de déchets nucléaires dans la même région – y compris certains des déchets les plus radioactifs. Cette installation serait donc entourée de champs pétroliers et d’opération de fracturation hydraulique. Pour l’instant, en l’absence de site dévolu, le combustible nucléaire usé est stocké directement sur les sites des centrales. Ce nouveau site d’entreposage serait temporaire, pour une centaine d’années, en attendant une solution  permanente. Les entreprises pétrolières de la région partagent les craintes des défenseurs de l’environnement.

– Le laser et les déchets nucléaires:

Selon le Professeur Gérard Mourou, prix Nobel de Physique, on peut utiliser le laser CPA (Chirped Pulse Amplification) pour diminuer considérablement, par transmutation, la radioactivité des déchets nucléaires. Il s’agit de transformer des éléments radioactifs à vie longue en d’autres éléments, soit non radioactifs, soit capables de se désintégrer en peu de temps. L’objectif ultime est de rendre ces déchets non radioactifs.

Ce projet est extrêmement complexe. Il ne sera pas exploitable avant 2035. Actuellement, on compte beaucoup sur le projet Myrrha du Centre d’études de l’énergie nucléaire de Mol en Belgique, dont l’un des objectifs est de produire des neutrons grâce à un accélérateur de particules. Le laser mis au point par le Professeur Gérard Mourou serait susceptible de remplacer cet accélérateur. L’énergie serait dispensée pendant un millionième de milliardième de seconde. Le faisceau de laser provoquerait une réaction nucléaire de fusion, libérant des neutrons de 14 MeV, qui devront percuter les actinides pour générer leur transmutation.

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6 –  Déclin des géants du nucléaire :

Dès  le milieu des années 1990, les géants du nucléaire ont connu des déboires sérieux. On peut citer Westinghouse Electric (USA), Toshiba (Japon), Areva et EDF (France). Seul Engie (anciennement GDF Suez) a su s’adapter aux contraintes du marché énergétique. Chez Rosatom (Russie) et CGN (Chine) les clients se font rare.

–  Crise financière à EDF :

La situation financière catastrophique actuelle d’EDF provient des erreurs stratégiques commises au début des années 1970. La construction du parc nucléaire, avec un rythme annuel accéléré de 4 à 6 réacteurs entre 1971 à 1991, est à l’origine de tous les maux. Certes, le surdimensionnement du parc nucléaire français de 58 réacteurs PWR, qui a coûté 188 milliards d’euros, a permis à EDF d’exporter la surproduction vers les pays voisins. Mais ce n’était  pas du tout l’objectif de départ.

La devise «tout électrique tout nucléaire» qui est responsable de 36% de logements avec chauffage électrique, a contribué à faire rapidement grimper le pic de la consommation. Les pertes joule de transformation à partir des centrales, le long des réseaux de transport et de distribution jusqu’aux convecteurs individuels sont très importantes. On ne se rendait pas bien compte du gaspillage. 

Engagée au début des années 1990, l’activité internationale d’EDF, s’est réalisée surtout au Royaume-Uni et en Italie. Bon nombre de tentatives se sont soldées par des échecs cuisants. Ce fut le cas de l’achat en 2008 de 49% de l’activité nucléaire de l’électricien américain Constellation Energy.

Malgré la démission retentissante de Thomas Piquemal, directeur financier, et une opposition farouche, EDF s’est entêté à ouvrir en 2016, le chantier de construction de la centrale Hinkley Point avec 2 réacteurs EPR. L’investissement total dépasserait 24 milliards d’euros (le surcoût   serait de l’ordre de 3,3 milliards d’euros). EDF a pris ici un risque industriel et financier énorme. 

En réaction aux surcoûts et retards des chantiers EPR en Finlande, en France et  au Royaume-Uni, le Ministre français de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a déclaré que toutes ces dérives sont inacceptables. Il a annoncé qu’un audit totalement indépendant  sera réalisé sur la filière nucléaire et sur le choix de l’EPR. 

Si on ajoute le grand carénage (exploitation, renforcement de la sûreté, prolongement de la durée de vie des réacteurs) évalué à 100 milliards d’euros par la Cour des Comptes, EDF se trouve devant un mur gigantesque d’investissement. Malgré le soutien financier de l’état (actionnaire à plus de 83%), l’entreprise aura du mal à résorber sa dette colossale de 37,4 milliards d’euros (le double en brut).  Le cours de son action s’est même effondré et à la fin de 2015, a dû subir une sortie du CAC 40. En 2017, EDF a réalisé une augmentation de capital de 4 milliards d’euros, dont 3 milliards apportés par l’état, qui a accepté provisoirement de ne plus toucher son dividende en cash mais en actions.

Face à cette crise financière sans précédent, avec un chiffre d’affaires et un résultat brut d’exploitation en forte baisse, EDF avec 155.000 salariés répartis à travers le monde, dont 125.000 en France, est en train de fermer des agences et supprimer 5000 emplois. 

Un  bon point à signaler cependant: EDF a su négocier le virage à temps, en créant EDF EN (EDF Energies Nouvelles) en 2004, devenu depuis septembre 2018 EDF Renouvelables. 

Le projet Hercule, fortement contesté par le personnel et les syndicats, vise à séparer l’entreprise en deux entités : «EDF bleu», détenu à 100 % par l’Etat et «EDF vert», dont environ 35% seraient mis en bourse. Le nucléaire, les barrages et RTE (réseaux de transport à haute tension) seraient  regroupés dans le «bleu». Enedis (le réseau de distribution), la vente d’électricité, les renouvelables, et les services (Dalkia notamment) seraient dans le «vert». 

L’impact de la canicule et de la sécheresse fait perdre de l’argent à EDF. En effet, la diminution du débit des fleuves oblige l’entreprise à réduire la production de plusieurs centrales nucléaires.

Parmi les 58 réacteurs du parc, 4 ont eu 40 ans d’âge (2 de Fessenheim et 2 de Bugey), 44  ont plus de 30 ans et 48 atteindront la limite d’âge canonique d’ici 2028.

Sur le plan technologique, la disparition progressive du savoir-faire et le vieillissement du matériel sont très inquiétants. EDF n’a pas construit de centrales nucléaires en France depuis trois décennies. L’ASN a constaté que les tuyaux de circulation d’eau des 29 réacteurs et bien d’autres pièces, sont dégradés à cause de la corrosion, ce qui peut provoquer des accidents très graves en cas de rupture. Le recours massif à la sous-traitance (20.000 emplois) est souvent mis en cause car la maintenance et le contrôle laissent souvent à désirer.

Conscient du danger potentiel, le 17 septembre 2019, l’ASN a adressé un courrier aux établissements publics, aux écoles et aux habitants situés entre 10 et 20 kilomètres autour des 19 centrales nucléaires françaises. Le périmètre de sécurité, passé de 10 à 20 km, en réaction à la catastrophe de Fukushima en 2011, concerne plus de 2 millions de riverains. Il s’agit d’une campagne de consignes de sécurité et de distribution préventive d’iode. (La prise d’une quantité importante d’iode stable va, en effet, saturer les récepteurs de la thyroïde qui ne fixera alors plus l’iode radioactif). 

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7- Combustibles fossiles et changement climatique:

Malgré une faible baisse des émissions de gaz à effet de serre en 2018, la France est loin d’atteindre ses objectifs de réduction de CO2 et de développement des énergies renouvelables (à cause du frein nucléaire).  

L’Allemagne veut investir un montant colossal de 100 milliards d’euros pour la protection du climat et la transition énergétique d’ici 2030. Elle a décidé d’abandonner le charbon d’ici 2038 et parallèlement achever d’ici 2022 sa sortie du nucléaire, décidée après la catastrophe de Fukushima.

Actuellement, au niveau mondial, le charbon est responsable de 44 % dans les émissions de CO2 qui représentent plus de 33 giga tonnes par an. L’Agence Internationale de l’Energie (IEA) recommande l’usage de puits de carbone (forêts, agriculture) pour retirer du CO2 de l’atmosphère. Mais le recours à la capture et le stockage est indispensable. 

En juillet dernier, la Revue Science a publié une étude de chercheurs qui suggèrent de planter un milliard d’hectares d’arbres pour combattre efficacement le changement climatique. Cette reforestation serait en mesure de capter 205 giga tonnes de carbone de l’atmosphère. 

Une lueur d’espoir : les chercheurs de l’Université Rice (États-Unis) viennent de mettre au point un réacteur catalytique qui utilise le CO2 comme matière première et qui produit de l’acide formique (ou acide méthanoïque, de formule CH2O2 – purifié et à forte concentration).  C’est un carburant à pile à combustible capable de générer de l’électricité.

La température moyenne mondiale pourrait théoriquement augmenter de 7 degrés d’ici la fin du siècle, estiment des scientifiques français (CNRS, CEA et Météo-France), qui ont mis au point récemment de nouveaux modèles climatiques plus fiables et plus précis.

L’ONU vient de lancer un cri d’alarme: les températures extrêmement élevées ont causé une accélération de la fonte des calottes glaciaires en Antarctique et au Groenland qui ont perdu 430  milliards de tonnes chaque année depuis 2006. Cette hausse du niveau des océans pourrait à terme menacer de nombreuses villes et provoquer le déplacement de 280 millions de personnes dans le monde.

En 2017, l’Atlantique Nord avait enregistré des dizaines d’ouragans. Les trois principaux cyclônes – Harvey, Irma et Maria – avaient occasionné 265 milliards de dollars de dommages aux Etats-Unis. En 2018, la saison s’était également avérée désastreuse, avec 15 phénomènes cyclôniques dont 6 ouragans. Récemment en 2019, l’ouragan Dorian de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, avec des vents extrêmement violents atteignant 300 km/h, a dévasté les Bahamas. On déplore des dizaines de victimes et les dégâts sont énormes. 

Profondément préoccupé par les incendies qui sévissent dans la plus vaste forêt tropicale du monde, dont 60% se trouvent en territoire brésilien, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, vient de lancer des appels internationaux à sauver l’Amazonie, une source majeure d’oxygène et de biodiversité.  

Le vendredi 20 septembre 2019, sous l’impulsion du mouvement «Friday for Future» de la jeune suédoise Gréta Thunberg, la mobilisation générale contre le dérèglement climatique a connu un immense succès historique. Ils étaient plus de 4 millions de manifestants dans le monde dont 300.000 à Berlin et 250.000 à New York. 

Des centaines d’entreprises se sont aussi mobilisées, autorisant leurs employés à suivre les défilés.  On a dénombré des milliers de salariés du géant Amazon, dont le patron Jeff Bezos avait annoncé un vaste plan pour que l’entreprise atteigne la neutralité carbone d’ici 2040. 

Le  lendemain, samedi 21 septembre, a eu lieu le premier sommet de la jeunesse pour le climat organisé par l’ONU qui a rassemblé un millier de Sud-Américains, Européens, Asiatiques et Africains. En plus de leur appel à des actions urgentes contre le réchauffement, les jeunes ont surtout présenté les solutions qu’ils expérimentent dans leur pays.  

«Le problème des dirigeants du monde, c’est qu’ils parlent trop et écoutent trop peu», a déclaré en ouverture du sommet, le secrétaire général de l’ONU. Celui-ci a remercié la jeune génération pour avoir «bousculé l’apathie et le laisser-faire des gouvernants». Il y a un changement d’élan grâce à votre courage, a-t-il poursuivi, se tournant vers Greta Thunberg.

Dans son discours à l’ONU,  Greta Thunberg a condamné l’inaction des politiques contre le changement climatique. La gorge serrée  elle a lancé : «des écosystèmes entiers s’effondrent, nous sommes au début d’une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c’est d’argent, et des contes de fées de croissance économique éternelle.  Comment osez-vous ?» Ce discours de la jeune Suédoise, où elle a tancé les dirigeants mondiaux, a suscité un flot de critiques injustifiées.

A l’ONU, les grands pays les plus pollueurs se refusent à prendre des engagements pour le climat. Seuls 66 pays, essentiellement en développement, représentant 6,8% seulement des émissions, se sont engagées à accroître leurs efforts d’ici à 2020. 

Le 25 septembre 2019 à Monaco, le GIEC (*) a rendu public un rapport spécial  très inquiétant, consacré pour la première fois à l’océan et à la cryosphère (neige, glaciers, calottes glaciaires, banquise, lacs et sols gelés).  La cryoshère qui représente 10 % de la surface terrestre et stocke près de 70 % de l’eau douce disponible, recule très rapidement sous l’effet du réchauffement climatique, dans toutes les régions du globe et à toutes les altitudes. Le monde marin sera moins riche en oxygène, plus acide, plus salé, plus chaud, dépeuplé, qui se dilate et se gorge de glaces fondues. 

Le vendredi 27 septembre 2019, a eu lieu  l’une des plus grosses manifestations jamais organisées à Montréal, avec un demi-million de personnes, en la présence de Greta Thunberg en tête du cortège.

Le lendemain samedi, près de 100.000 personnes ont marché pour le climat à Berne, capitale de la Suisse.

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8- Observations personnelles :

Je viens d’apprendre par VnExpress que les habitants de Hanoi et de Ho Chi Minh ville, respirent depuis ces dernières années un air vicié, très dangereux pour la santé. Des mesures effectuées le 17 septembre 2019 à Hanoi et le 20 septembre à Ho Chi Minh ville ont donné les résultats suivants. Indice de qualité de l’air IQA: Hanoi (185), Ho Chi Minh ville (175). Indice de particules fines: Hanoi (111, 3 µg/ m³), Ho Chi Minh ville (102,7 µg/ m³), soit 4 fois plus que la norme du pays (25 µg/m³) et 11 fois plus que le seuil de l’OMS. 

 Selon le rapport de l’AirVisual du 26 septembre 2019, parmi les 10 villes les plus polluées sur les 10.000 villes étudiées, Hanoi  est classée 1ère suivie de Jakarta et Ho Chi Minh ville.

 L’eau de la rivière Saigon – Dong Nai qui alimente la ville est aussi  fortement polluée. 

Les autorités vietnamiennes viennent heureusement de renforcer les mesures et règlementations en vue d’améliorer la situation.

Le 15 septembre 2019,  80 dirigeants d’universités et des grandes écoles françaises, ainsi que 1.000 enseignants et chercheurs, dans une tribune du Journal du Dimanche,  ont demandé au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, d’inscrire l’urgence climatique dans les programmes d’enseignement et d’allouer les moyens nécessaires. Personnellement je souhaite qu’au Viet Nam, l’enseignement sur le climat, l’écologie, le développement durable, soit dispensé très tôt, dans les collèges et lycées aussi, pas uniquement à l’université.

Depuis des années la Chine, avec un investissement de 120 milliards de dollars et des réglementations strictes, a réussi à réduire progressivement la pollution atmosphérique. Des centaines de  centrales au charbon et usines sont fermées. Selon un rapport récent de Greenpeace et Avisur, Pékin, actuellement classée 122e, avec un indice de particules fines PM 2,5 encore 4 fois supérieur au seuil de l’OMS, pourra sortir bientôt de la liste des 200 villes les plus polluées dans le monde.  Le Viet Nam a intérêt à ne pas commettre les mêmes erreurs commises dans le temps par la Chine pour ne pas payer trop cher, tôt ou tard, le coût de la décarbonisation de son économie.

Les dirigeants politiques de plusieurs pays semblent oublier, ce qui est très grave, que le CO2, principal responsable du réchauffement climatique, a une durée de vie extrêmement longue dans l’atmosphère : 100 ans!   

Le nucléaire est très coûteux et trop dangereux. Il n’a plus sa place dans les systèmes électriques de demain.  

On sait que les effets de la radioactivité sur la santé sont très graves. Ils provoquent des mutations génétiques, des malformations, des leucémies, des cancers …Aucune dose de radioactivité n’est inoffensive, selon la Commission Internationale de Protection Radiologique.

Alors que le coût du kWh des énergies renouvelables continue à baisser, celui du nucléaire augmente sans cesse. En effet, en plus du renforcement de la sécurité post-Fukushima, il faut tenir compte du démantèlement et de la gestion à très long terme des déchets nucléaires, sans même parler du coût énorme d’une catastrophe qui risque de se produire à tout moment.

Pierre-Franck Chevet, ancien patron de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) de 2012 à 2018, a déclaré à maintes reprises, qu’un accident majeur en France – dont le coût serait astronomique – est un évènement qu’il ne faut jamais exclure.

Les dangers qui guettent le parc nucléaire d’EDF sont nombreux: séisme, sous-traitance du personnel d’exploitation, qualité de maintenance plus ou moins dégradée, âge du matériel, terrorisme, attaque cybernétique, baisse de la vigilance, sans oublier la possibilité d’une erreur humaine.

Une partie de la France est en zône sismique. Parmi ses 58 réacteurs, plusieurs sont susceptibles d’être touchés par un tremblement de terre, notamment dans la région du sud-est. L’accident majeur peut survenir surtout en cas de perte d’alimentation électrique de secours.

Par le passé, des accidents très graves n’ont pas épargné la France:

Le 1er réacteur UNGG de Saint Laurent des Eaux a connu une fusion partielle du coeur le 17octobre 1969, suite à une erreur de manipulation. Onze ans après, le 2e réacteur UNGG de cette centrale, a connu aussi une fusion partielle, en raison du bouclage d’un canal.

Lors des inondations du 29 décembre 1999, la France a failli connaître une catastrophe avec la centrale du Blayais (4 réacteurs de 900 MW), à 60 km de Bordeaux. Les pompes et circuits de sécurité ont été submergés par la montée brutale des eaux.

On comprend pourquoi d’après les derniers sondages, une majorité de français réclame l’abandon de l’énergie nucléaire.  

N’oublions pas que depuis la mise en service du 1er réacteur civil en 1951 aux Etats-Unis jusqu’à la catastrophe de Fukushima, il n’y a que 60 ans. Durant ce laps de temps, le monde a  déjà connu 5 fusions du cœur: 1 à Three Mile Island (28/3/79), 1 à Tchernobyl (26/4/1986), 3 à Fukushima (11/3/2011). Les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima sont classées au niveau 7, le plus élevé, de l’échelle  INES (International Nuclear Event Scale) qui comporte 8 niveaux de 0 à 7.

Je ne suis pas d’accord avec ceux qui prétendent que le nucléaire peut sauver le monde du changement climatique. Il ne représente qu’un très faible pourcentage de la consommation énergétique totale du monde. En France c’est de l’ordre de 16% seulement (ne pas confondre avec le pourcentage nucléaire sur la production d’électricité qui est de 72%). 

La filière nucléaire n’est pas propre comme certains le croient. Extraction minière, enrichissement de  l’uranium, fabrication, transport, retraitement des combustibles, démantèlement des centrales, toutes ces étapes émettent aussi des gaz à effet de serre.  Il ne faut pas oublier que les 3/4 des émissions mondiales de C02 proviennent des secteurs sans aucun lien avec la production électrique. 

L’urgence climatique réclame des actions efficaces et immédiates. Or selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la mise en service d’un réacteur par semaine pendant 15 ans éviterait  seulement 9% d’émissions de CO2. Un tel rythme de développement est pratiquement irréalisable, compte tenu des capacités industrielles actuelles du monde.

Le déclin mondial du nucléaire a commencé depuis plusieurs années. Le dernier rapport annuel du World Nuclear Industry Status Report (WNISR) le montre clairement. Après le pic historique de 1976, le rythme d’ouverture des chantiers de construction des réacteurs a progressivement ralenti jusqu’à tomber à zéro en 1995. Le lent redémarrage n’a pas duré longtemps. En 2017, un seul réacteur a été mis en construction. 

La Chine investit massivement dans les énergies vertes et réduit le lancement de nouveaux réacteurs. Certes, avec les 16 réacteurs mis en chantier parmi les 50 dans le monde, ce pays reste toujours le champion, mais il n’a ouvert aucun autre chantier au premier semestre 2018. Au niveau de la production, la part de l’atome dans le bilan électrique mondial ne cesse de décliner depuis 1995, avec un maximum atteint en 2006.

En France, construire des EPR pour prendre la relève des PWR en fin de vie n’est pas du tout raisonnable pour des raisons techniques et économiques, sans parler de sécurité.

Sur mon blog vous trouverez mon article intitulé: le Viet Nam peut atteindre 100% d’énergies renouvelables en 2050.

J’ai proposé dans cet article une nouvelle stratégie énergétique, reposant sur 3 piliers: sobriété (économie d’énergie), efficacité, et énergies renouvelables.

Le phénomène d’intermittence peut être résolu par divers procédés: STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage), Batteries, Hydrogène, CAES (Air Energie Storage Compressed). D’autre part, les Smartgrids permettent d’optimiser l’ensemble des maillons de la chaîne du système électrique et d’assurer l’équilibre production-consommation  à chaque instant.

On sait que l’insertion des sources intermittentes et fatales dans les réseaux électriques  posent des problèmes technologiques ardus à résoudre. En effet, il en résulte deux conséquences principales: l’augmentation de variation de puissance instantanée et la diminution de son inertie globale.

Depuis plusieurs années, la plupart des pays dans le monde ont investi massivement dans les énergies renouvelables dans le but d’atteindre 100% de ces énergies à l’horizon 2050. L’indépendance et l’autonomie énergétique des territoires seront ainsi assurées.

Selon l’École de finance et de management de Francfort et Bloomberg New Energy Finance (BNEF), sur le plan mondial, durant cette décennie, les énergies renouvelables ont vu leurs capacités multipliées par 4 (1650 GW contre 414 GW en 2009) et les investissements ont atteint plus de 2500 milliards de dollars (dont 760 milliards en Chine). En 2018 les énergies vertes ont permis d’éviter l’émission de 2 giga tonnes d’équivalent CO2.

Au début de 2018, la puissance des énergies renouvelables installée en Europe s’élève à 520,3 GW, dont 117 GW pour l’Allemagne, le champion. Au 31 décembre 2018, la puissance des énergies renouvelables en France représente 51,7 GW dont 25,5 GW hydraulique, 23,6 GW solaire et éolien, 2 GW bioénergies.

 La totalité de la consommation d’électricité en Norvège est assurée par les énergies vertes (l’hydraulique en particulier). Au Portugal, ce taux est de 62,6% et au Danemark 52,4%.

Rappelons les valeurs moyennes, calculées par le GIEC (*), des émissions en équivalent CO2 (en gramme par kWh produit) sur le cycle de vie complet: charbon (820), gaz naturel(490), biomasse (230), solaire sur toit (41), hydraulique (24), nucléaire (12), éolien terrestre (11).

– Naoto Kan, un premier Ministre qui force le respect:

Cet ancien Premier Ministre japonais en poste au moment de la catastrophe de Fukushima, a fait récemment une tournée en France pour partager son vécu et promouvoir la sortie du nucléaire. Il a été reçu notamment aux deux Parlements européen et français.

Le 19 février 2019, il a donné une conférence, présidée par Eric Piolle, Maire de Grenoble, devant une salle bondée de l’Hôtel de Ville.

Le conférencier a rappelé que c’est la chance qui lui a permis d’éviter de justesse l’évacuation de la région de Tokyo, peuplée de 36 millions d’habitants. Il considère qu’une catastrophe nucléaire est ingérable et que le risque d’accident majeur est trop important pour continuer à exploiter les réacteurs nucléaires. Il est totalement opposé à prolonger la durée de vie des vieilles centrales. Il veut consacrer le reste de sa vie à se battre pour que partout le nucléaire disparaisse. Depuis, il a parcouru le monde avec beaucoup de courage, comme ambassadeur itinérant, pour promouvoir les énergies renouvelables qui peuvent, selon lui, remplacer complètement le nucléaire.

Après sa conférence, j’ai eu l’honneur de le saluer et de lui parler de l’abandon du programme nucléaire du Viet Nam dont il était parfaitement au courant. Il m’a encouragé à continuer mon combat.

Pour décarbonner la production d’électricité, le Viet Nam n’a pas d’autre choix que de fermer progressivement les centrales au charbon.

Entreprendre immédiatement des actions efficaces pour améliorer un environnement fortement pollué provoqué par des combustibles fossiles et  bien d’autres causes, constitue un défi colossal pour les autorités responsables et les citoyens.

Classé  26e dans le groupe des pays à risque extrême (**), le Viet Nam ne doit pas oublier les engagements pris en 1995 à Paris, lors de la COP21 (***).

La santé de nos compatriotes est une priorité qui doit l’emporter sur toutes les autres. 

Grenoble le 2 octobre 2019  

Nguyen Khac Nhan,

– Ancien Directeur de l’Ecole Supérieure d’Electricité et du Centre National Technique de Saigon  (devenu Institut Polytechnique de Ho Chi Minh Ville). Ancien Chargé de mission à la Direction Economie, Prospective et Stratégie d’EDF de Paris. Ancien Professeur à l’Institut National Polytechnique et à l’Institut d’Economie et Politique de l’Energie de Grenoble.

Bibliographie : 

-Un déclin mondial, Antoine de Ravignan, Alternatives économiques, (Nucléaire: bientôt la fin),  janvier 2019

-L’inquiétante obstination d’EDF, Justin Delepine, Alternatives économiques, (Nucléaire: bientôt la fin),  janvier 2019

-Les conséquences d’un tout renouvelable pour la  production d’électricité, Dominique Finon, Science et Pseudo- Sciences, juillet / septembre 2019.

-La transition énergétique bas carbone : enjeux et contraintes, Jacques Percebois, Science et Pseudo- Sciences, juillet / septembre 2019.

-Les énergies renouvelables intermittentes mettent-elles en cause la stabilité des réseaux? Georges Sapy, Science et Pseudo- Sciences, juillet / septembre 2019.

anorama de l’électricité renouvelable en 2018, RTE, SER, ENEDIS, ADEeF, ORE

-Bilan électrique 2018, RTE 02/2019

-Coûts et faisabilité du démantèlement des installations nucléaires, Martial Chateau et Laure Barthélémy, Sortir du nucléaire N°73, 2017.

-Enfouir les déchets nucléaires est la pire solution, Bernard Laponche, Le Monde, 29/03/2018.

          -Nucléaire Danger immédiat, Thierry Gadault, et Hugues Demeude, Flammarion, 2018

-Nucléaire: une Catastrophe française (Vous avez raison d’avoir peur), Erwan Benezet, Fayard, 2018

-40 ans d’une lutte victorieuse, Laura Hameaux et Anne-Lise Devaux, Sortir du nucléaire N° 80, 2019.

-Nucléaire, l’impossible équation, Philippe Lambersens, Sortir du nucléaire, N° 81, 2019.

-Intervention de Mycle Schneider, expert coordinateur du World Nuclear Industry Status Report, Mairie de Grenoble, 19/02/2019.

-L’impact sanitaire du changement climatique menace d’annuler les progrès du 20è siècle, Jean-David Zeitoun, Le Monde, 29/08/2019

-Un laser pour en finir avec les déchets nucléaires, Azar Khalatbari, Sciences et Avenir,   septembre 2019.

-https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-modele-nucleaire-francais-seffondre-et-nous-mene-a-la-catastrophe_fr_5d400347e4b01d8c9780dd00

https://www.usinenouvelle.com/article/30-ans-apres-sa-construction-le-sarcophage-de-tchernobyl-menace-de-s-effondrer.N873760

https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/08/13/fukushima-par-manque-d-espace-de-stockage-de-l-eau-radioactive-pourrait-etre-deversee-dans-l-ocean_5499092_3244.html

https://www.letemps.ch/monde/laventure-americaine-greta-thunberg-commencer

           (*) Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat

(**) Nucléaire au Viet Nam et changement climatique (nguyenkhacnhan.blogspot.fr)

     (***) Conference of parties (Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques – CCNUCC).

 

 

 

 

 

 

 

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