Francis Gendreau – Octobre 2019
08/10/2019 à
https://rmc.bfmtv.com
« Objectif Terre »: les conflits armés, une catastrophe (aussi) pour l’environnement
Est-ce que la destruction de l’environnement doit être considérée comme un crime de guerre?
C’est en tout cas ce que demandent 24 scientifiques dans une lettre ouverte.
Ils veulent que le respect de l’environnement soit intégré à une 5e convention de Genève, pour obliger les forces armées à prendre en compte l’écologie dans leur stratégie militaire. La lettre a été signée par 24 scientifiques du monde entier, dont Pierre-André Crochet de l’Université de Montpellier.
Qui est le plus gros pollueur au monde?
Ça peut paraître trivial. Et pourtant, l’armée américaine est le plus gros pollueur au monde avec presque 60 millions de tonnes de gaz à effet de serre rien que l’année dernière.
Les conséquences d’une guerre sont loin d’être anecdotiques en matière d’écologie, et elles sont souvent irréversibles. L’exemple le plus marquant est sans doute celui de la bombe d’Hiroshima. Mais il n’y a pas que le nucléaire qui fait des dégâts, loin de là.
Longtemps après les guerres on trouve encore des obus non explosés qui se dégradent dans la terre et contaminent les sols, notamment avec du mercure et de l’arsenic. En France, les déchets de la Première guerre mondiale continuent de polluer: on ramasse encore entre 500 et 800 tonnes de munitions anciennes tous les ans, selon l’association Robin des Bois. On parle de déchets qui ont pourtant plus de 100 ans.
La destruction de l’environnement est parfois une stratégie
Cette stratégie porte un nom: c’est un écocide. Pendant la guerre du Vietnam, les Etats Unis avaient inondé le pays de dizaines de millions de litres d’agent orange, un puissant
désherbant. Le but: détruire les forêts qui servaient de refuge aux soldats ennemis ainsi que leurs récoltes. La conséquence: une immense catastrophe sanitaire et écologique qui
empoisonne encore aujourd’hui les sols, les cultures les animaux et les habitants.
Il existe déjà une réglementation internationale sur la protection de l’environnement. Le
problème, c’est que les textes sont trop vagues pour être appliqués, et surtout il n’y a aucune institution capable de d’appliquer des sanctions en cas de d’infraction. Pourtant, limiter les dommages causés à l’environnement pendant la guerre permet d’aider les sociétés à se relever d’un conflit.
A l’opposé, les dégâts sur l’environnement accentuent la pauvreté, et donc l’instabilité politique et peut déboucher sur de nouveaux conflits.
Géraldine de Mori (avec Caroline Petit)
25/10/2019
https://www.santemagazine.fr
Cancer du sein : certains polluants organiques persistants pourraient augmenter son agressivité
Une équipe de recherche de l’Inserm a réalisé une étude préliminaire pour explorer l’hypothèse selon laquelle les polluants organiques persistants ou POPs pourraient favoriser le développement des métastases dans le cancer du sein. Leurs résultats suggèrent une association entre l’agressivité du cancer du sein et la concentration de certains d’entre eux dans le tissu adipeux, en particulier chez les femmes en surpoids.
Le cancer du sein est un enjeu majeur de santé publique avec plus de 2 millions de nouveaux cas diagnostiqués et plus de 600 000 décès dans le monde en 2018. Le terme de « métastase » est évoqué lorsque des cellules cancéreuses se sont détachées d’une première tumeur (tumeur primitive) et ont migré par les vaisseaux lymphatiques ou les vaisseaux sanguins dans une autre partie du corps où elles se sont installées. Comme l’explique l’Institut national contre le cancer (Inca), « ce n’est pas un autre cancer, mais le cancer initial qui s’est propagé. Par exemple, une métastase d’un cancer du sein installée sur un poumon est une tumeur constituée de cellules de sein, ce n’est pas un cancer du poumon. »
La présence de métastases à distance de la tumeur d’origine est un marqueur d’agressivité de ce cancer. En effet, lorsque des métastases distantes sont retrouvées, le taux de survie à 5 ans est de seulement 26 %, contre 99 % si le cancer est localisé au niveau du sein, et 85 % si seuls les ganglions lymphatiques sont également touchés. Des chercheurs de l’Inserm viennent de publier une étude confirmant les découvertes de précédents travaux qui suggéraient que l’exposition à des polluants organiques persistants ou POPs (polluants environnementaux perturbateurs endocriniens et/ou carcinogènes), qui s’accumulent dans la chaîne alimentaire, serait un facteur de risque du cancer du sein.
Un plus grand risque de métastases
Cependant, l’influence de ces POPs sur le niveau d’agressivité du cancer était peu étudiée. Les chercheurs ont voulu tester pour la première fois l’hypothèse que l’exposition aux POPs pourrait avoir un impact sur le stade de développement des métastases dans le cancer du sein.
Ils sont partis du constat que ces derniers sont très lipophiles et se stockent par conséquent dans le tissu adipeux. Ils ont donc mesuré la concentration de 49 POPs dont la dioxine de Seveso (un déchet des procédés d’incinération) et plusieurs PCB ou polychlorobiphényles (générés par divers procédés industriels) dans des échantillons de tissu adipeux environnant les tumeurs de 91 femmes atteintes de cancer du sein.
Enfin, le surpoids étant connu pour être un facteur favorisant et aggravant le cancer du sein, une attention particulière a été portée sur les femmes concernées. L’analyse des échantillons a permis de mettre en évidence une association entre la présence de métastases distantes et la concentration en dioxine dans le tissu adipeux chez les femmes en surpoids. De plus, chez toutes les patientes, la concentration en dioxine et en deux des PCB mesurés apparaissait associée à la taille de la tumeur ainsi qu’au niveau d’invasion et au stade métastatique des ganglions lymphatiques. Les femmes présentant de plus grandes concentrations de PCB présentaient également un plus grand risque de récidive.
Des pistes inédites pour l’étude de l’impact des POPs sur le cancer du sein « Ces résultats suggèrent donc que plus la concentration en POPs dans le tissu adipeux est élevée, plus le cancer du sein est agressif, en particulier chez les femmes en surpoids », expliquent les chercheurs. Plusieurs hypothèses ont été émises par l’équipe de recherche pour expliquer cette association. Notamment, la dioxine et certains PCB enverraient un signal qui favoriserait la migration des cellules tumorales et renforcerait ainsi l’agressivité du cancer.
Selon Xavier Coumoul qui a dirigé ces travaux, « les adipocytes, les cellules du tissu adipeux qui stockent les graisses, jouent un rôle important en tant que cellules associées dans le développement du cancer du sein. »
Celui-ci ajoute : « En effet, le tissu adipeux fonctionne comme une glande ʺendocrineʺ, sécrétant des hormones dans la circulation sanguine, et nous avions précédemment montré que les POPs étaient responsables d’une inflammation de ce tissu adipeux changeant la nature et le comportement des adipocytes. La sécrétion excessive de molécules inflammatoires et le relargage des POPs stockés par ces adipocytes, pourraient alors favoriser la formation de métastases. »
Toutefois le chercheur insiste sur le fait que cette étude n’en est qu’à un stade préliminaire et que ces résultats doivent donc être considérés avec précaution car la méthodologie utilisée présente certaines limites.
Elle comprend notamment un nombre limité d’individus, ce qui favorise les biais statistiques et rend certaines sous-catégories de population étudiées peu représentatives. « Si elle ne permet donc pas de tirer des conclusions fermes sur le lien entre POPs et agressivité du cancer du sein, elle propose en revanche une piste inédite, en particulier chez les patientes en surpoids.
Cette piste devrait être explorée par de futures études impliquant un plus grand nombre de patientes pour offrir des résultats statistiques plus représentatifs », conclut Xavier Coumoul. A noter que les POPs pour « polluants organiques persistants » sont définis et listés par la convention de Stockholm entrée en vigueur en 2004.