Site icon ĐOÀN KẾT – TỎA SÁNG: Chuyên trang thông tin sự kiện và bài viết văn hóa, cộng đồng

Revue de presse agent orange / Septembre 2020

Sélectionnée par Francis Gendreau

Guerre du Vietnam : le combat des 4,8 millions de victimes de l’agent orange, un herbicide toxique

2 septembre 2020
https://lareleveetlapeste.fr

Augustin Langlade

Le scandale de l’agent orange représente aussi le premier « écocide » (une destruction irrémédiable de l’environnement par l’homme) et la plus grande guerre chimique de l’histoire de l’humanité.

Les 9 et 10 août 2020 a eu lieu en France la « Journée des victimes de l’agent orange » : organisées par le collectif Vietnam-Dioxine, ces trente-six heures de témoignages, de performances et de projections avaient pour but d’informer la population sur un désastre écologique encore méconnu et de demander que justice soit rendue aux quelque trois millions de victimes vietnamiennes qui souffrent aujourd’hui de ses conséquences.

Un herbicide polluant et toxique pour tous les êtres vivants

Produit ou commercialisé entre 1961 et 1971 par les firmes agro-chimiques Monsanto et Dow Chemical, l’agent orange est le nom d’un herbicide et défoliant extrêmement puissant, qui fut utilisé pendant la guerre du Vietnam par l’aviation militaire des États-Unis pour empêcher les résistants de se cacher dans la jungle.

Pendant une dizaine d’années, sans interruption, près de 80 millions de litres de cet herbicide toxique sont déversés sur des forêts du sud du Vietnam et des cultures vivrières, dans le cadre de l’opération « Ranch Hand ». Le but : détruire la végétation essentielle aux pratiques de guérilla, affamer les résistants, ainsi que la population parmi laquelle ils se cachent.

On estime que 20 % des forêts tropicales sud-vietnamiennes, soit plusieurs millions d’hectares, ainsi que 400 000 hectares de terres agricoles, furent alors contaminés ou détruits par ces épandages.

Mais l’agent orange, également nommé « 2,4,5-T », ne constituait pas un simple défoliant : avec ses niveaux très élevés de dioxines, une famille de molécules polluantes présentes dans les produits chimiques, c’était aussi un poison redoutable, dont Monsanto connaissait la toxicité dès les années 1940.

Très persistantes dans l’environnement, s’accumulant dans les graisses animales et humaines et pouvant y demeurer pendant plus de dix ans, les dioxines entraînent chez l’Homme un ensemble de maladies, cutanées, digestives, nerveuses, cardiovasculaires, des malformations, des cancers, du diabète (etc.), du moins quand le taux d’exposition dépasse un certain seuil de tolérance.

Selon le collectif Vietnam-Dioxine, depuis une soixantaine d’années, 4,8 millions de personnes auraient été directement exposées à l’agent orange, parmi lesquelles des centaines de milliers d’enfants, parfois de la troisième ou quatrième génération d’après-guerre.

Touchées par des malformations de membres ou d’organes provoquant la trisomie, l’autisme, la cécité, la surdité et des dizaines d’autres affections, « sans parler des fausses couches, des mort-nés et des naissances prématurées qui s’accentuent dans les régions » particulièrement visées par les épandages, ces familles n’ont jamais obtenu réparation, comme l’explique le collectif Vietnam-Dioxine dans une tribune.

Un long combat pour la reconnaissance de cet écocide

Le scandale de l’agent orange représente aussi le premier « écocide » (une destruction irrémédiable de l’environnement par l’homme) et la plus grande guerre chimique de l’histoire de l’humanité.

Éléphants, tigres, rhinocéros, antilopes, gaurs, oiseaux, serpents, papillons, insectes, la défoliation systématique et concertée des grands arbres par l’armée des États-Unis a ruiné les écosystèmes de deux millions d’hectares de forêts tropicales et de 500 000 hectares de mangrove, provoquant la disparition de certaines espèces forestières, « la fuite des animaux vers le Laos voisin » et un appauvrissement généralisé des sols, dans lesquels ne poussent plus, à certains endroits, que des bambous et des hautes herbes surnommées « américaines » par les populations locales.

Au cours des années 1970, un grand procès est intenté par un collectif de vétérans américains de la guerre du Vietnam contre Monsanto et six autres entreprises, accusées notamment d’avoir multiplié par vingt la toxicité de l’agent orange, pour « produire plus, plus vite et à moindre coût ». Même les soldats chargés de déverser ce produit sur les forêts vietnamiennes furent contaminés.

Pendant le procès, Monsanto présenta des études biaisées qui prétendaient que l’exposition aux dioxines n’avait aucun lien démontré avec les cancers des vétérans. Or, les sept producteurs d’agent orange accusés étaient parfaitement au courant de la dangerosité extrême de leurs défoliants sur la vie humaine ; mais protégés par l’État américain, ils ne seront condamnés qu’en 1987 et devront verser 180 millions de dollars à un fonds de compensation destiné aux vétérans encore vivants.

Ce procès historique a ainsi établi pour la première fois un lien de causalité entre maladies et agent orange, ce qui ouvre la voie à de nouvelles condamnations. C’est pourquoi Tran To Nga, Franco-Vietnamienne victime de l’agent orange, a décidé en 2014 d’entamer une action en justice contre vingt-six multinationales de l’industrie agrochimique ayant participé à la fabrication ou à la commercialisation de ce défoliant.

Exposée aux dioxines alors qu’elle était jeune reporter au nord de Saigon, il y a maintenant plus de cinquante ans, Tran To Nga a perdu une enfant en 1969, à cause d’une malformation cardiaque congénitale, tandis que ses deux autres filles subissent des complications cardiaques et osseuses ou des maladies génétiques.

Aujourd’hui, Tran To Nga est malade et espère que ce procès, la cause de sa vie, permettra de considérer l’épandage d’agent orange comme un véritable crime contre l’humanité.

La procédure, qui avance lentement mais sûrement, a été rendue possible par une loi autorisant un ressortissant français à poursuivre une personne physique ou morale étrangère pour des faits commis en dehors de l’Hexagone. Si Tran To Nga gagne ce procès, dont les audiences devraient s’ouvrir à l’automne au tribunal d’Évry, elle pourra toucher une indemnisation. Mais l’essentiel n’est pas là.

Selon Sophia Olmos, l’une des porte-parole du collectif Vietnam-Dioxine que nous avons interrogée, « cette action en justice aspire par-dessus tout à créer un précédent, à inaugurer une voie pour la jurisprudence ».

Une condamnation des firmes ayant fabriqué l’agent orange faciliterait la reconnaissance des victimes de la part de la justice, « des victimes dans le temps long, puisque les familles sont touchées sur des générations ».

Comme pour les procès américains contre le Roundup, le produit phare de Monsanto, plusieurs des entreprises incriminées auraient proposé à Tran To Nga une compensation financière, un accord à l’amiable qui leur aurait permis d’éviter de s’engager dans de véritables poursuites judiciaires. Mais cette fois-ci, l’argent n’achètera pas la paix.

« Tout ce que les collectifs, associations et victimes de l’agent orange attendent, nous indique Sophia Olmos, c’est davantage de soutien et de solidarité, c’est plus de sensibilisation sur ce fléau qui touche aussi une communauté vietnamienne ou franco-vietnamienne très présente dans notre pays. »

Au-delà des victimes, c’est notre modèle de société qui devrait être remis en question. Car les firmes telles que Monsanto, responsables de cette catastrophe écologique et sanitaire, dirigent aujourd’hui le marché mondial de l’agrochimie.

Comme le dit la porte-parole de Vietnam-Dioxine : « l’agent orange est l’ancêtre des pesticides actuels. C’est une arme chimique qu’on continue en quelque sorte à produire, car nous suivons des principes similaires dans notre agriculture. Nous utilisons les mêmes molécules, produites de la même façon par les mêmes entreprises. »

Les pesticides, herbicides et fongicides continuent eux aussi de tuer : chaque année dans le monde, ils seraient à l’origine de 25 millions d’intoxications et de plus de 200 000 morts. De quoi nourrir bon nombre de procès futurs.

Mathew Nya contre l’agent orange en musique

03/09/20
http://www.reggae.fr

Le Dub Poet français Mathew Nya, que l’ont suit depuis de nombreuses années, revient avec un nouveau single intitulé Witness, sorti en août à l’occasion des journées mondiales contre l’agent orange, produit utilisé pendant la guerre du Vietnam et qui a très durement touché le pays, dont une partie de la famille de Mathew Nya est originaire.

Pour ce titre, le chanteur a également fait appel au dessinateur marseillais Clément Baloup, également métisse du Vietnam, et qui illustre en peinture les parole de Mathew posé sur une vibe acoustique. Avec Witness, Mathew attend donner sa force à l’activiste à Tran tö Nga qui a attaqué en justice Monsanto, d’autres sociétés US ainsi que l’Etat américain pour leurs actions et utilisations d’armes chimiques durant la guerre au Vietnam.

Ce titre annonce le nouvel album La présence est la voie, qui paraîtra en 2021. On soutient.

Soutenez le combat de Trân Tô Nga !

12/09/2020
https://www.lecourrier.vn

La guerre du Vietnam aurait été la plus grande guerre chimique de tous les temps. Quelque 80 millions de tonnes de produits chimiques ont été déversés sur le pays durant la guerre, dont l’agent orange/dioxine. Le combat des victimes se poursuit jusqu’à maintenant.

L’agent orange/dioxine produit une catastrophe environnementale et humaine puisque le poison continue de se diffuser et se transmet, depuis, de générations en générations, avec les handicaps comme seuls héritages.

Depuis bientôt 12 ans, Mme Trân Tô Nga, une Française d’origine vietnamienne victime de l’agent orange, a engagé une procédure contre les 18 sociétés américaines impliquées, dont Monsanto. Jusqu’à présent, elles se sont refusées à la moindre réparation, multipliant par leurs nombreux avocats interposés des obstructions indignes. Le procès est enfin fixé au 12 octobre 2020. Le Comité d’Eure et Loir de l’Association d’amitié franco-vietnamienne (AAFV) entend que justice lui soit enfin rendue et, au-delà de son cas particulier, à toutes les victimes vietnamiennes de ce qui n’est rien d’autre qu’un crime contre l’Humanité. Les profiteurs de cette guerre coloniale, illégitime, doivent être reconnus comme tels.

Le Comité d’Eure et Loir de l’AAFV soutient la juste cause d’une grande dame, d’une résistante, digne, qui au-delà des victimes, défend les valeurs de notre propre humanité.

Vous pouvez vous associer à cet appel à aafv.eureetloir@orange.fr ou

Comité Eure et Loir de l’AAFV, 14 rue du Voisin, 28150 Les villages Vovéens.

Nguyên Dac Nhu-Mai/CVN

Agent organe/dioxine : des jeunes Viet Kieu en France soutiennent les victimes vietnamiennes

Dimanche, septembre 20, 2020
https://fr.vietnamplus.vn

L’ambassade du Vietnam en France a organisé le 19 septembre à Paris une rencontre avec des jeunes Viet Kieu ayant contribué au succès des Journées des victimes de l’agent organe/dioxine.

Paris (VNA) – L’ambassade du Vietnam en France a organisé le 19 septembre à Paris une rencontre avec des jeunes Viet Kieu (Vietnamiens résidant à l’étranger) ayant contribué au succès des Journées des victimes de l’agent orange/dioxine.

Les Journées des victimes de l’agent orange/dioxine étaient un évènement en ligne organisé du 9 août à 14h00 au 11 août jusqu’à 03h00 (heure au Vietnam) par Collectif Vietnam-Dioxine. Au cours de ces 36 heures de live sans interruption, les participants ont assisté à des concerts, conférences-débats, projections de films sur les conséquences de l’agent orange/dioxine au Vietnam et la lutte pour la justice des victimes vietnamiennes.

Près de 50 bénévoles dont la plupart sont des jeunes Viet Kieu en France, avaient consacré près de deux mois pour préparer cet évènement. Le comité d’organisation a reçu 7.300 signatures appuyant la lutte de Mme Trân Tô Nga qui poursuit en justice de grandes compagnies américaines de la chimie, qui avaient fourni de l’agent orange à l’armée américaine pendant la guerre au Vietnam. Par ailleurs, 5.400 euros ont été collectés à cette occasion en faveur des victimes vietnamiennes.

Le gouvernement vietnamien fait toujours de son mieux pour régler les conséquences de la guerre, y compris la question de l’agent orange/dioxine, a souligné l’ambassadeur du Vietnam en France, Nguyen Thiep, ajoutant que le Vietnam avait collaboré avec les États-Unis pour effectuer la décontamination de dioxine des endroits affectés, dont les aéroports de Bien Hoa et de Da Nang.

Ces dernières années, l’ambassade du Vietnam en France a toujours accompagné les luttes juridiques pour retrouver le droit des victimes vietnamiennes de la dioxine, dont celle de Mme Tran To Nga, a-t-il affirmé.

Trân Tô Nga, une Viêt kiêu de France, est originaire de Can Tho. Elle a été reporter de l’Agence d’Information de Libération – Thông tân xa giai phóng, un des deux organes prédécesseurs de l’Agence Vietnamienne d’Information (VNA en abréviation anglaise). Le procès intenté par Trân Tô Nga contre des firmes américaines productrices de produits toxiques, a débuté en juin 2014.

Lors de la 19e audience du procès intenté par Trân Tô Nga contre des compagnies américaines, tenue fin juin dernier, le juge a décidé d’ouvrir le 12 octobre une autre audience devant le Tribunal de Grande instance d’Evry, en banlieue de Paris.

De 1961 à 1971, l’armée américaine a déversé 80 millions de litres de défoliants au Vietnam, lesquels contenaient près de 400 kg de dioxine, un produit hautement toxique qui perturbe les fonctions hormonales, immunitaires et reproductives de l’organisme.

Selon l’Association des victimes de l’agent orange/dioxine du Vietnam (VAVA), le pays compte plus de 4,8 millions de personnes directement exposées au défoliant, dont 3 millions en subissent encore les séquelles. Des centaines de milliers d’entre eux sont décédés dans la douleur. D’autres continuent de combattre tant bien que mal leurs maladies, souvent incurables. De nombreux enfants sont nés malformés ou condamnés à une vie végétale…-VNA

Le tribunal français ouvrira le procès de Trân Tô Nga le 12 octobre

29/09/2020
https://m.lecourrier.vn

Le président de l’Association des victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine (VAVA), Nguyên Van Rinh, a envoyé une lettre exprimant son soutien à Trân Tô Nga, franco-vietnamienne, qui avait intenté une action en justice contre 26 entreprises chimiques américaines pour avoir produit des toxines chimiques pulvérisées par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam, entraînant de graves conséquences pour la communauté, ses enfants et elle-même.

Le Tribunal de grande instance d’Evry, en banlieue parisienne, où Trân Tô Nga a déposé le procès en mai 2014, a décidé d’ouvrir le procès sur cette affaire le 12 octobre.

Dans la lettre, le président de l’Association des victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine (VAVA), Nguyên Van Rinh, a affirmé que la VAVA avec sa mission de soutien et de protection des droits et intérêts légitimes des victimes d’agent orange/dioxine, accompagnera toujours Mme Nga.

Jusqu’à présent, l’association a recueilli 416 200 signatures de ses membres et de personnes de bonne volonté en faveur du procès.

Il a exprimé son espoir que le tribunal français maintiendra justice pour Mme Nga et sa famille.

En mai 2014, Trân Tô Nga, né en 1942, a intenté une action en justice. Le 16 avril 2015, le tribunal d’Evry a tenu la première audience sur l’affaire, mais depuis, les avocats des sociétés chimiques poursuivies ont tenté par tous les moyens de prolonger les procédures.

Mme Nga est diplômée d’une université de Hanoi en 1966 et est devenue correspondante de guerre de l’Agence d’information de Libération, aujourd’hui l’agence vietnamienne d’information. Elle a travaillé dans certaines des zones les plus touchées par l’agent orange/dioxine du sud du Vietnam, telles que Cu Chi, Bên Cat et le long du sentier Hô Chi Minh, subissant elle-même des effets de contamination.

Parmi ses trois enfants, le premier est mort de malformations cardiaques et le second souffre d’une maladie du sang.

En 2009, Mme Nga, qui a contracté un certain nombre de maladies aiguës, a comparu en tant que témoin devant la Cour d’opinion publique de Paris, en France, contre les entreprises chimiques américaines.

De 1961 à 1971, les troupes américaines ont pulvérisé plus de 80 millions de litres d’herbicides – dont 44 millions de litres d’agent orange, contenant près de 370 kg de dioxine – sur le Sud Vietnam.

En conséquence, environ 4,8 millions de Vietnamiens ont été exposés au produit chimique toxique. De nombreuses victimes sont décédées, tandis que des millions de leurs descendants vivent avec des malformations et des maladies résultant directement des effets des produits chimiques. VNA/CVN

“Agent orange, la dernière bataille” sur Arte : “C’est un procès politique, historique, unique !”

29/09/20
https://www.telerama.fr

Tran To Nga, 78 ans, se bat sans relâche contre les responsables d’une pollution massive à la dioxine, notamment au Vietnam. Un combat mis en lumière par l’enquête édifiante “Agent orange, la dernière bataille”, à voir sur Arte mardi 29 septembre. La Franco-Vietnamienne nous raconte sa volonté d’aller au bout de la procédure qu’elle a entamée en France contre 26 industries agrochimiques.

Agent orange, la dernière bataille, diffusé ce mardi sur Arte, est plus qu’un simple documentaire. Il a vocation à faire connaître au plus large public possible le premier écocide de l’histoire. Nous sommes au début des années 1960, les avions de l’armée américaine lancent l’opération Ranch Hand et larguent près de 100 millions de litres d’herbicides sur la jungle au Sud Vietnam. L’agent orange, qui doit son nom aux bandes orange peintes sur les fûts, mélange de deux molécules herbicides (2,4-D et 2,4,5-T) et contenant de la dioxine (TCDD), est ainsi déversé pendant dix ans, contaminant la terre, l’eau et les corps. Classé comme « probablement cancérigène » par le Centre international de recherche contre le cancer, il expose à des anomalies génétiques et des maladies chroniques, provoque des malformations chez les enfants, anencéphalie, absence de membres, fentes labiopalatines mais également leucémie, diabète de type 2, chloracné… Les victimes au Vietnam se comptent par millions et le pays fait face à sa 4e génération de malades. D’autres vivent au Laos, au Cambodge, en Australie ou aux États-Unis, comme ces enfants des vétérans de l’US Amy dont les pères ont été indemnisés en 1986. Une sorte de reconnaissance de la contamination.

Cette enquête édifiante et bouleversante raconte « la plus grande guerre chimique de l’histoire de l’humanité ». Pour les réalisateurs Alan Adelson et Kate Taverna, tout est parti d’une plainte déposée en 2014 en France auprès du tribunal de grande instance d’Évry par Tran To Nga, victime franco-vietnamienne. Cette septuagénaire a décidé d’assigner les géants de la pétrochimie américaine (dont Monsanto). Un procès inédit rendu possible grâce à une exception française permettant à une victime de poursuivre un tiers étranger pour un tort extraterritorial. Une victoire pour tous ceux qui se battent depuis des décennies et avaient vu leurs plaintes classées sans suite ou leurs tentatives de procès déboutées, comme en 2004 à New York.

Un procès marathon intenté par une femme courageuse

Ce film rappelle l’ensemble de ces procédures, mais donne également la parole à d’autres victimes d’épandages sauvages qui se sont fait connaître lors du tournage. Toutes ont placé leurs espoirs dans ce procès marathon intenté par une femme au courage exemplaire et à la ténacité hors du commun. À bientôt 80 ans, Tran To Nga, empoisonnée par la dioxine, lutte aussi contre les maladies qui la rongent. Pour Télérama, elle revient sur son combat, qu’elle dit mener au « nom de son devoir d’humain ».

Comment Monsanto a orienté l’opinion sur la dangerosité du glyphosate

Qu’espérez-vous de ce procès historique, qui voit 26 firmes américaines (dont Monsanto) répondre pour la première fois à une telle assignation ?

Quand on se lance dans un tel procès, on espère un bon jugement ou un dédommagement. Dans mon cas, il s’agit d’un combat de longue haleine qui consiste à faire connaître et reconnaître le drame de l’agent orange, la cruauté du crime de l’armée américaine, les souffrances et les douleurs de millions de victimes. En marge du procès, pendant six ans, j’ai parcouru la France pour raconter l’ampleur et l’inhumanité de cette guerre chimique. À cette occasion, j’ai découvert que rares étaient les Français à savoir ce qu’était l’agent orange. Si je me bats, ce n’est pas seulement pour moi et ma famille, mais pour quelque chose de plus sacré encore : la liberté. Ça peut paraître grandiloquent et immodeste, mais faire la lumière sur cette histoire peut aussi permettre de mobiliser les gens face au danger du glyphosate ou d’autres pesticides dont l’agent orange est l’ancêtre.

“On nous a proposé une négociation avec une clause de confidentialité, mais je l’ai refusée car abandonner le procès, c’est renoncer à ébruiter ces crimes.”

En juin 2020, Monsanto a versé 10 milliards de dollars de dédommagement aux victimes du glyphosate. Ont-ils essayé de négocier avec vous ?

Cet argent est versé pour faire taire les victimes. Une signature et c’est fini. Le glyphosate peut continuer son œuvre. En 1986 déjà, les vétérans du Vietnam avaient accepté un chèque de 180 millions de dollars. Mais leurs enfants, leurs petits-enfants sont aussi des victimes !

On nous a proposé une négociation à la fin de l’année 2019 avec une clause de confidentialité, mais je l’ai refusée car abandonner le procès, c’est renoncer à ébruiter ces crimes. Depuis six ans, ces firmes cherchent à gagner du temps. Nous avons par exemple dû faire face à 19 mises en état (éléments à apporter au dossier). Dernier épisode en date, une demande de report des plaidoiries au 25 janvier pour cause de Covid. Ils savent que mon temps est compté. Je suis une vieille femme de bientôt 80 ans, malade. Un de ces jours, je disparaîtrai et le procès sera annulé, car je suis la seule à rassembler les conditions à la tenue de ce procès.

Personne ne peut prendre votre relais ?

Nous sommes devant une spécificité française qui permet aux avocats français de faire des procès multinationaux pour les citoyens français [en 2013, le Parlement français restaurait la compétence du juge français en matière de droit international, NDLR]. J’ai la double nationalité et j’ai la chance ou la malchance d’être une victime de l’agent orange sur le sol vietnamien. Je remplissais toutes les conditions. Nous n’avons pas trouvé d’autres victimes françaises. Comme l’a résumé mon avocat, maître William Bourdon, c’est un procès politique, historique, unique ! Si je meurs, il s’arrête. Même mes enfants, victimes eux aussi, ne pourront pas me représenter car ils n’ont pas la nationalité française.

“Il faut que je continue. Je vais me préserver, me soigner et garder le courage jusqu’à la fin.”

Mais ce film, votre livre (Ma terre empoisonnée, éd. Stock, 2016) et des articles publiés dans le monde entier font connaître votre combat. N’est-ce pas déjà une première victoire ?

C’est aussi le but. Ce film va nous aider, sans doute. Si je disparais, tous les amis de France et d’ailleurs continueront à parler de l’agent orange, des victimes, des séquelles occasionnées. Mais il faut que je continue. Je vais me préserver, me soigner et garder le courage jusqu’à la fin. Mais quand aura-t-elle lieu ? Après les plaidoiries, il faudra attendre le délibéré, puis le jugement et, quel que soit le verdict, il y aura certainement un appel soit du côté des firmes, soit du nôtre.

Où puisez-vous la force de mener ce combat ?

J’ai longtemps pensé que j’étais la fautive pour les malheurs de mes enfants et le décès de ma fille aînée. Jusqu’à ce jour de 2011 où un test a confirmé ce taux élevé de dioxine dans mon sang. J’ai alors compris que le criminel était l’agent orange, pas la mauvaise maman. J’ai porté cette culpabilité pendant plus de quarante ans, je me suis reproché les maladies de mes filles, les fausses couches de la plus grande. J’ai peur pour elles mais aussi pour mes petits-enfants qui ont hérité des pathologies. Les souffrances des victimes de la 2e, 3e et même 4e génération, que j’ai pu rencontrer au Vietnam et ailleurs, me rongent le cœur. Elles me donnent aussi la force de continuer, me motivent pour aller au bout de mon devoir d’humain.