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Revue de presse : Procès de Tran To Nga

Sélectionnée par Francis Gendreau

10/05/2021
https://www.marieclaire.fr

Tran To Nga, la franco-vietnamienne victime de l’agent orange qui poursuit 14 multinationales en justice

Par Catherine Durand

Depuis dix ans, cette journaliste se bat contre les puissantes firmes agrochimiques qui ont fabriqué cet herbicide toxique avec lequel elle a été en contact pendant la guerre du Vietnam, comme 4,8 millions d’autres personnes. Ses conséquences, graves, durent encore. Le 10 mai 2021, le tribunal d’Evry devrait rendre son verdict dans un procès historique.

Tran To Nga (1) est une journaliste franco-vietnamienne de 80 ans. Depuis plus de 10 ans elle se bat contre les puissantes firmes agrochimiques qui ont fabriqué l' »agent orange », un herbicide toxique. Alors que 80 millions de litres ont été déversés pendant la guerre du Vietnam, elle et 4,8 millions de personnes y ont été exposées, et souffrent encore aujourd’hui de conséquences graves.

Un procès historique s’est ouvert en janvier 2021 en France, où l’octogénaire attaque 14 géants de l’industrie agrochimique, dont Bayer-Monsanto. Le verdict est attendu le 10 mai 2021 au tribunal d’Evry. Nous avons discuté de son combat avec elle.

Un combat long mais si important

Marie Claire : Votre combat contre quatorze compagnies agrochimiques, dont Bayer-Monsanto, qui a fabriqué l’agent orange-dioxine, est interminable…

Tran to Nga : Cela fait plus de dix ans que je me bats avec un trio d’avocats bénévoles, dont Maître William Bourdon. On a fini par déposer une plainte au tribunal judiciaire d’Évry (Essonne) en 2014. Le procès s’est enfin tenu le 25 janvier dernier, on attend ses conclusions le 10 mai. Cela a été rendu possible grâce à cette loi française, unique, permettant à ses ressortissants de poursuivre une personne physique ou morale étrangère pour des faits commis hors Hexagone.

J’ai 80 ans. Journaliste, j’ai été en contact direct avec ce défoliant pendant la guerre du Vietnam. Je mène ce combat non seulement pour moi et mes descendants mais aussi pour les millions de victimes de l’agent orange-dioxine au Vietnam, au Cambodge, au Laos, aux États-Unis.

Je mène ce combat non seulement pour moi et mes descendants mais aussi pour les millions de victimes.

La dioxine entraîne de graves malformations, 3 millions de personnes (2) en subiraient encore les conséquences…

Oui, ce drame n’a pas de fin. Un crime impuni dont les conséquences se transmettent sur plusieurs générations, les scientifiques parlent d’une contamination sur cent ans. Qui va s’occuper de tous ces enfants qui naissent aujourd’hui avec de lourds handicaps ? Leurs souffrances sont indescriptibles. Toutes les victimes de l’agent orange-dioxine suivent mon procès. Si je gagne, ils pourront à leur tour obtenir justice.

Ce procès pourrait être la reconnaissance juridique de l’écocide, et en ouvrir d’autres, comme celui de la chlordécone, cet insecticide utilisé dans les Antilles françaises longtemps après son interdiction aux États-Unis ?

Oui, cette nouvelle jurisprudence serait saisissable pour toutes les victimes d’armes chimiques et de pesticides. Je ne suis plus seule, c’est miraculeux. Une vingtaine d’associations m’a rejointe, des milliers de jeunes organisent des rassemblements, on ira jusqu’au bout.

10 mai 2021
https://reporterre.net

L’écocide commis par Monsanto avec l’« agent orange » reste impuni

Le tribunal d’Évry s’est déclaré incompétent pour juger de la responsabilité de quatorze multinationales – dont Monsanto – dans l’épandage de l’« agent orange » durant la guerre du Vietnam. La plaignante, Tran To Nga, et son collectif Vietnam-Dioxine vont faire appel de cette décision.

Cela devait être le procès du premier écocide de l’histoire. Celui de l’« agent orange » [1], un puissant défoliant dont 80 millions de litres ont été déversés sur le Vietnam par l’armée étasunienne entre 1964 et 1975 pour anéantir les combattants vietcongs. Mais après six ans de procédure et dix-neuf reports d’audience, la patience de la plaignante Tran To Nga et du collectif Vietnam-Dioxine n’aura pas été récompensée.

Lundi 10 mai, le tribunal d’Évry a jugé irrecevables ses demandes. « Il a estimé ne pas avoir la compétence pour juger ces entreprises », explique à Reporterre Kim Vo Dinh, membre du collectif Vietnam-Dioxine. Dans leur plaidoirie, les avocats du groupe Monsanto ont fait valoir cette incompétence, estimant que le tribunal ne pourrait pas juger l’action d’un État étranger dans le cadre d’une « politique de défense » en temps de guerre.

Une stratégie qui vise à gagner du temps en obtenant une disqualification sur la forme pour éviter d’avoir à se prononcer sur le fond : la responsabilité des firmes américaines dans l’intoxication de 2,1 à 4,8 millions de Vietnamiens et la pollution de millions d’hectares de terres agricoles et de forêts.

On savait qu’il y avait un risque à ce niveau, poursuit Kim Vo Dinh, mais on espérait qu’un tribunal français verrait que ces entreprises avaient connaissance de la dangerosité des produits. Elles auraient dû expliquer au gouvernement qu’il était impossible de produire de l’“agent orange” dans de telles quantités sans avoir un taux de dioxine important. »

Dans un communiqué de presse, les avocats de Tran To Nga assurent qu’ils vont faire appel de cette décision. Ils espèrent notamment que cela permettra de connaître « l’intégralité des communications échangées entre les entreprises et l’administration américaine, ce qui pour l’instant n’a pu être fait que partiellement et avec difficulté, de sorte que la Cour puisse avoir accès à l’intégralité des communications et non pas aux morceaux choisis et proposés de façon opportuniste par les entreprises ».

Ils espèrent également que Tran To Nga aura « suffisamment de forces au regard des pathologies dont elle est atteinte, pour pouvoir mener son combat jusqu’au bout ». Cette femme de 79 ans souffre de multiples pathologies après son exposition à l’« agent orange », notamment un diabète de type 2 avec une allergie à l’insuline, deux tuberculoses, un cancer. L’une de ses filles est morte d’une malformation cardiaque. Les effets de l’intoxication se font en effet ressentir jusqu’à la quatrième génération : au moins 100 000 enfants sont atteints d’anomalies congénitales sérieuses.

Une mobilisation de soutien est prévue samedi 15 mai à l’occasion de la marche contre Monsanto.

[1] L’« agent orange » est un mélange à parts égales de deux molécules herbicides : l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (2,4-D) et l’acide 2,4,5-trichlorophénoxyacétique (2,4,5-T).

10/05/21
https://www.telerama.fr

Tran To Nga, la septuagénaire qui défie Bayer-Monsanto et les géants de l’agrochimie

Etienne Labrunie

Lundi 10 mai, le tribunal d’Évry a jugé irrecevables les demandes de la Franco-vietnamienne qui attaque les fabricants de l’agent orange, ce fléau utilisé pendant la guerre du Vietnam. Tran To Nga et ses avocats ont décidé de faire appel pour que justice soit faite.

L’épilogue de ce procès historique n’est cependant pas pour tout de suite. Ce combat qui dure depuis sept ans, documenté notamment par le film Agent orange, la dernière bataille (diffusé en septembre dernier sur Arte), va se poursuivre. « Je suis déçue mais décidée, j’ai immédiatement demandé à mes avocats d’interjeter appel de la décision rendue », souligne la presque octogénaire. De sa petite voix calme et fluette, elle ajoute, presque gênée : « Vous savez, c’est le combat de toute une vie… »

Plus de cinquante ans que cette ancienne directrice d’école et journaliste se bat pour faire connaître son histoire et celle de millions de victimes directes et indirectes de l’agent orange. Elle a 24 ans, ce 5 janvier 1966, quand elle décide d’effectuer la traversée de la piste « Truong Son » reliant, sur plus de 1 000 kilomètres, le sud au nord du Vietnam. Comme d’autres membres du Front de libération du Sud-Vietnam, elle découvre « ces nuages blancs qui se transforment en pluie gluante ». Un produit qui lui colle à la peau, provoque des toux et détruit toute la végétation environnante. Elle sera exposée plusieurs mois à ce défoliant ultra toxique que les avions de l’armée américaine larguent dans le cadre de l’opération Ranch Hand. Dix ans durant, près de 100 millions de litres vont ainsi être déversés sur la jungle vietnamienne, contaminant la terre, l’eau et les corps. Selon le rapport américain Stellman, entre 2,1 et 4,8 millions de personnes qui vivaient dans les zones épandues ont été exposées à ce mélange de deux molécules herbicides (2,4-D et 2,4,5-T) et de dioxine (TCDD). Et plus de 3 millions de personnes en subissent les conséquences aujourd’hui.

Tran To Nga souffre pour sa part d’un diabète de type 2, est atteinte d’alpha-thalassémie, une maladie génétique de l’hémoglobine, et des nodules sous-cutanés lui ont été découverts. Son système immunitaire est par ailleurs défaillant. Elle lutte aussi contre un cancer du sein. « Pas que des maladies de vieille dame », glisse-t-elle. L’argument de la partie adverse lors du procès… Difficile à défendre à la lecture des résultats des test sanguins effectués en 2011 et révélant la présence de dioxine dans le sang de la plaignante. Classée comme « probablement cancérigène » par le Centre international de recherche contre le cancer, l’exposition à la dioxine peut provoquer des anomalies génétiques et des maladies chroniques, des malformations chez les enfants – anencéphalie, absence de membres, fentes labiopalatines mais aussi leucémie, diabète de type 2, chloracné… Au Vietnam, au Laos, au Cambodge mais également aux États-Unis (pour les enfants de GI notamment), nombreuses ont été les victimes à se faire connaître.

“J’ai longtemps pensé que j’étais la fautive pour les malheurs de mes enfants.”

Les examens médicaux de 2011 de Tran To Nga vont aussi et surtout permettre à cette mère et grand-mère d’en finir avec un autre mal qui la ronge : la culpabilité. « J’ai longtemps pensé que j’étais la fautive pour les malheurs de mes enfants et le décès de ma fille aînée », confie-t-elle. Une première enfant, née en 1968 et morte à dix-sept mois d’une malformation cardiaque congénitale. Ses deux autres filles, nées en 1971 et 1974, souffrent de problèmes cardiaques et osseux et l’une d’elles est, comme sa mère, atteinte d’alpha-thalassémie. « Ce procès, je le leur dois aussi », ajoute Tran To Nga.

L’action qu’elle décide d’entreprendre et qui commence en 2014 est totalement inédite. Elle a été rendue possible grâce à une exception française permettant à une victime de poursuivre un tiers étranger pour un tort extraterritorial. Une victoire pour tous ceux qui se battent depuis des décennies et avaient vu leurs plaintes classées sans suite ou leurs tentatives de procès déboutées, comme en 2004 à New York. André Bouny, fondateur français du Comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’agent orange, était de ces batailles. C’est lui qui, en 2009, suggère à la Franco-vietnamienne, installée dans l’Essonne depuis 1993, d’entamer cette procédure.

L’affaire n’est pas simple. En face, l’armada d’avocats va poser tous les recours possibles et épuiser toutes les demandes de report pour gagner du temps et compter sur l’épuisement (et la maladie) de Tran To Nga. « Ils savent que mon temps est compté. Si je disparaissais, le procès serait annulé car je suis la seule à rassembler les conditions de sa tenue. » Elle s’attache les services de William Bourdon, un ténor du barreau, célèbre pour avoir plaidé la cause des victimes de Pinochet ou du génocide rwandais.

Un combat et un devoir

Débute alors un marathon judiciaire qui, au fil des années et des déplacements de Tran To Nga dans tout le pays, fait de plus en plus de bruit. Les médias français mais aussi et surtout étrangers, notamment américains, s’intéressent à ce petit bout de femme qui ose défier Monsanto et consorts. Une « publicité » dont se passeraient bien ces géants de l’agrochimie qui, en 2019, finissent par changer de tactique : « On nous a proposé une négociation avec une clause de confidentialité, mais je l’ai refusée car abandonner le procès, c’est renoncer à ébruiter ces crimes », explique celle qui a connu au Vietnam la prison et la torture (alors qu’elle était enceinte de sa troisième fille, qui naîtra en détention). Alors elle poursuit son combat : « Je m’accroche à la vie mais je dois aller au bout de mon devoir humain. » Ses différents comités de soutien ont prévu un certain nombre d’initiatives, parmi lesquelles une marche « contre Monsanto-Bayer et l’agrochimie » le 15 mai à Paris. Les messages affluent de partout depuis le jugement de ce 10 mai, jugé choquant par beaucoup. Elle se réjouit de ce soutien : « Modestement, je crois qu’on a déjà un peu gagné car cet écocide, ce crime contre l’humanité, est désormais connu et reconnu. » Une occasion de l’officialiser a été loupée.

11/05/2021
https://www.latribune.fr

La Franco-vietnamienne Tran To Nga poursuit son combat contre l’agent orange

PARIS (Reuters) – La Franco-vietnamienne Tran To Nga a promis mardi de poursuivre son combat judiciaire pour faire reconnaître les droits des victimes de l' »agent orange », un herbicide hautement toxique utilisé par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam.

Le tribunal d’Evry a jugé lundi irrecevable la plainte que Tran To Nga, 79 ans, avait déposée contre 14 multinationales agrochimiques qui avaient fourni au gouvernement américain le produit à haute teneur en dioxine.

« Je suis déçue, je suis même en colère, mais je ne suis pas triste », a déclaré Tran To Nga mardi pendant une conférence de presse. « On a déjà gagné car on a réussi (…) à faire ressurgir du passé le crime de l’agent orange. C’est une grande partie de la mission accomplie. »

La Franco-vietnamienne, qui a souffert d' »au moins cinq maladies » pouvant avoir un lien avec l’agent orange, dont un cancer, a confirmé sa volonté de faire appel du jugement, même si cette procédure durera plusieurs années et s’éteindra si jamais elle venait à décéder.

« On avance parce que la cause est juste. On avance pour la justice, pour la vérité, pour les gens plus malheureux que nous », a-t-elle dit en se réjouissant de l’énorme écho rencontré par son combat dans le monde entier, et notamment au Vietnam.

L’aviation américaine a déversé pendant la guerre 68 millions de litres d’agent orange (ainsi surnommé en raison de la couleur peinte sur les fûts de stockage) sur la jungle servant d’abri aux combattants nord-vietnamiens et sur les cultures au Vietnam du Nord.

Tran To Nga dit avoir été contaminée alors qu’elle couvrait les combats en tant que jeune journaliste.

Outre son cancer, elle souffre depuis de tuberculose, de diabète de type 2, d’une rare allergie à l’insuline et de problèmes cardiaques. Autant de maladies qui peuvent être reliées à la dioxine en raison de son effet sur le système immunitaire. Elle a également perdu un bébé né avec des malformations au coeur. Ses deux autres filles ont aussi des malformations.

AUCUN VIETNAMIEN DÉDOMMAGÉ

« Si mes demandes sont irrecevables, je peux dire que les conclusions du tribunal sont aussi irrecevables pour moi », a-t-elle souligné.

Tran To Nga, qui a porté plainte en 2014 après l’inscription dans la loi française de la « compétence universelle » des tribunaux, espère toujours que les fabricants de l’agent orange, parmi lesquels Dow Chemical et Bayer-Monsanto devront un jour rendre des comptes.

Une de ses avocates, Me Amélie Lefebvre, a aussi déploré qu’en retenant l’irrecevabilité, le tribunal n’ait pas « examiné les arguments sur le fond ».

« Ces sociétés étaient libres de répondre aux appels d’offre du gouvernement américain (…) Elles ont commis une faute parce qu’elles ont fabriqué ce produit en connaissant sa toxicité et en dissimulant cet élément », a-t-elle dit, balayant l’argument retenu par le tribunal selon lequel elles avaient « agi sous contrainte » en période de guerre.

Seuls des vétérans de l’armée américaine et de pays alliés ont jusqu’à présent reçu des réparations pour les dégâts provoqués par l’agent orange. La justice américaine a en revanche confirmé en 2008 le rejet d’une plainte au civil déposée par des Vietnamiens.

Aucun des millions de Vietnamiens affectés d’une manière ou d’une autre par l’agent orange n’a été dédommagé à ce jour.

Tran To Nga a déclaré qu’elle avait refusé de négocier un arrangement financier avec les sociétés contre lesquelles elle a porté plainte.

« Je serais peut-être un peu riche mais les victimes devraient encore attendre (qu’on leur fasse réparation) je ne sais pas jusqu’à quand », a-t-elle expliqué. « J’ai toujours confiance en la justice. »