Trần Hưng Đạo – le grand héros ou la divinité sacrée?

Le culte du héros est un culte typiquement vietnamien car l’histoire du Vietnam est jalonnée de faits d’édification et de défense de la patrie. Parmi les héros qui sont vénérés partout au Vietnam, Trần Hưng Đạo, né Trần Quốc Tuấn, (1228 – 1300) est l’un des plus connus, le général de la dynastie des Trần qui a empêché l’invasion du Vietnam par les troupes mongoles au 13esiècle. Deux identités sont associées au personnage dénommé « Trần Hưng Đạo ». La première est celle d’une grande personnalité nationale dont le nom est rattaché à l’une des périodes les plus marquantes importantes de l’histoire de la nation vietnamienne. La seconde est l’esprit Trần, qui élimine le mal ou les esprits malfaisants et errants des maladies, et qui protège les femmes qui souffrent des suites d’un accouchement.

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Photo : Hoang Thi Hong Ha

 

Les légendes

Les légendes autour du héros Trần Hưng Đạo sont nombreuses et le nord du Viet Nam est le foyer principal de ces légendes car c’est là qu’il a vécu et œuvré.

Sa naissance de Trần Hưng Đạo est très miraculeuse, le récit dans le village la Mỹ Phúc, le district Mỹ Lộc, la province Nam Định raconte :

 « À la naissance de Trần Hưng Đạo, sa maison fut inondée de parfum et de lumière. Un prête taoïste, connaisseur en astronomie, remarqua une étoile éblouissante descendant du ciel.

Il vint à la rencontre du nouveau-né. En le voyant, il se prosterna et déclara que ce dernier deviendrait le grand homme sauveur du pays et du peuple Việt. À l’âge d’un an Trần Hưng Đạo pouvait parler. À l’âge de cinq ans, il pouvait écrire un poème et déployer un dispositif de guerre pour jouer. C’était un enfant très intelligent »[1]

C’est ainsi que, dans la pensée du peuple vietnamien, s’est formée l’origine céleste de Trần Hưng Đạo.

Si la naissance de Trần Hưng Đạo fut d’origine divine, sa mort le fut tout autant. Un premier document « Une complication de la prière du Tran Hung Dao qui a atteint la sainteté » (Trần triều hiển thánh chính kinh tập biên ) écrit:

« Précédant la mort de Trần Hưng Đạo, un astrologue vit une étoile de grande taille filer du nord-est au sud-ouest, fondre sur la terre, et éclairer dix yards vietnamiens (soit 4 mètres) ». Ce livre ajoute : « Le 18 août, année huitième de Hùng Vương (1300), récitant dans la montagne, Trần Hưng Đạo apprend que sa sœur est gravement malade. Il vient la retrouver. Celle-ci l’informe qu’elle ira le lendemain à la rencontre de son ancêtre. Trần Hưng Đạo répond : « Attendez-moi, je suis occupé, nous irons à la rencontre de l’ancêtre le 20 août [2]».

La légende de Trần Hưng Đạo est attache avec la figure Pham Nhan. Les principaux éléments du récit sont les suivants : Pham Nhan disposait d’un don de sorcellerie et il pouvait provoquer de graves dégâts au sein de l’armée vietnamienne.  Une troupe se déploya pour arrêter Bá Linh. Quand Bá Linh fut capturée sa tête fut coupée mais à chaque fois une nouvelle tête repoussait. Jusqu’au jour où Trần Hưng Đạo lui-même l’attaqua lors de la bataille de Bạch Đằng. Bá Linh s’avoua alors vaincu. Supplicié, il devient après sa mort le Génie du mal. Il se mit à nuire aux femmes qui procréent ou allaitent leurs enfants[3].


Aujourd’hui, au pied du temple Kiếp Bạc, le lac a la forme d’une épée, et c’est l’épée de Trần Hưng Đạo.Selon un autre récit recueilli à Kiếp Bạc : « Une fois la guerre achevée, quand le pays devint paisible, Trần Hưng Đạo se promena en bateau. Approchant du territoire de la montagne Dược Sơn, il tira son épée du fourreau et dit : « Cette épée ne m’a jamais quitté. Elle est tâchée du sang des Mongols. Elle doit être marquée par la fiente du poulet, la chaux et la suie pour décapiter Phạm Nhan. Elle doit être lavée par cette rivière ». Trần Hưng Đạo la plongea dans l’eau »[4].

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Les modalités d’entrée en contact avec Trần Hưng Đạo

Ces récits consacrent la réputation de protecteur magique du pays que l’on prête à ce héros à grands renfort d’actes miraculeux dans la dernière partie du règne des Trần, correspondant à la seconde moitié du 14e siècle, puis sous les Lê.  

Les annales historiques du Đại Việt (Đại việt sử lý toàn thư) de Ngô Sĩ Liên qui furent publiées en 1479 mentionnent ainsi que « en février 1427, quand la résistance [contre l’envahisseur Ming] vécut une épreuve décisive, le roi Lê Lợi ordonna à Đỗ Thái Nhật [commandant de l’armée à l’époque] de réparer le temple de Hưng Đạo Đại Vương[5] et interdisit de couper les arbres autour du sanctuaire »[6].

Pour saisir le sens de cette interdiction il faut savoir que dans la pensée vietnamienne la force des génies se concentre à l’intérieur des arbres.

L’usage d’invoquer Trần Hưng Đạo avant chaque bataille, qui eut cours tant sous les Tran que dans le premier siècle du règne des Lê, avait pour but d’exalter la fibre patriotique et de renforcer la conviction des soldats dans la victoire. Actuellement, Trần Hưng Đạo a été principalement vénéré comme le symbole du patriotisme et de la victoire contre l’agresseur.

Trần Hưng Đạo est une divinité qui expulse les esprits errants des femmes lors de leur accouchement. Elles deviennent infertiles si elles sont en difficulté ou ont divers troubles gynécologiques dus à la possession par les démons. Lorsqu’elles sont ainsi torturées par Phạm Nhan, elles s’empressent de recourir à des rites médiumniques pour solliciter son intervention toujours efficace.

D’un côté, on le voit, Trần Hưng Đạo expulse les démons des femmes pour garantir la descendance des familles et donc assurer indirectement la reproduction du corps social en agissant sur sa base. Lorsque son âme rencontrait celle d’une femme souffrante, il accaparait son esprit et sa maladie restait incurable. Des malades se rendirent cependant au temple de Trần Hưng Đạo et se couchèrent sur une vieille natte, brûlèrent de l’encens et délayèrent la cendre dans de l’eau ensuite bue. Cette pratique leur apporta une guérison rapide.

La cérémonie de vente symbolique d’enfants pour la divinité Trần est organisée à la suite d’un certain nombre de symptômes manifestés par le nourrisson. En effet, quand un enfant se nourrit difficilement et qu’il est souvent malade, les parents ont tendance à penser qu’il est né à une mauvaise heure. Cela les incite à pratiquer le rituel de la vente symbolique d’enfant (bán khoán). C’est un rituel symbolique. Son but est de faire appel à la divinité Trần pour écarter les esprits malfaisants qui perturbent l’enfant. Les parents pensent qu’après le « bán khoán », l’enfant retrouvera l’appétit et une bonne santé.

Pour le rituel de demande d’affiliation à la divinité Trần Hưng Đạo en qualité de disciple « vénère le destin » (Tôn nhang bản mệnh).  Au Viet nam, comme dans d’autres pays d’Asie du Sud Est, on pense que le cours de la vie des individus est déterminé en fonction de la date de naissance (tuoi) et une étoile, mais également de certaines entités spirituelles.

Dans la pensée vietnamienne, Trần Hưng Đạo est considéré comme le Père, en symétrie avec la Mère des Quatre Palais. Dans la tradition vietnamienne, si on pratique le culte de la Mère, on doit pratiquer le culte du Père. Les figures historico-légendaires qui incarnent ces deux principes changent selon les régions.

Trần Hưng Đạo est à la fois un héros historique et une divinité haut placée dans le panthéon et la cosmologie viet. Trần Hưng Đạo, en raison de ses hauts faits militaires, est devenu au fil des siècles, la figure de proue du patriotisme vietnamien et à ce titre il est placé très haut dans le panthéon des héros nationaux.

Cependant, s’il est si populaire dans le Viet Nam d’aujourd’hui, c’est aussi parce qu’on lui confère des pouvoirs miraculeux dans bien d’autres domaines, en rapport avec des légendes et des mythes qui ont établi progressivement sa réputation dans tous ces registres, faisant de lui une divinité polyvalente.

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Hoang Thi Hong Ha

Doctorante d’ethnologie


[1] Une collection de la prière du Tran Hung Dao qui a atteint la sainteté (Trần triều hiển thánh chính kinh tập biên). Le document écrit en caractères « Han-Nom» (archives), p.20, manuscrit, 278 pages, 27×15.5, A.2383, l’institut de recherche Han- Nom, Dương Văn Vượng traduit 1967.

[2] Formule pour signifier que la personne va mourir

[3] Ngô Đức Thịnh, 2010, Đạo Mẫu Việt Nam, Maison des éditions en religion, Hà Nội, p.126

[4] Le service de la culturel et d’information de la province Hải Hưng, 1978. Le héros national Trần Quốc Tuấn, ou Trần Hưng Đạo et l’historique relique de Kiếp Bạc. Hải Hưng : Ty Văn hóa và thông tin Hải Hưng.

[5] Le temple, construit sous les transes situe dans la ville de Kiếp Bạc, province de Hải Dương.

[6] Ngô Sĩ Liên « Les annales historiques du Đại Việt », [1697] 2001: 91

 

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